2013-01-21 Délation et obéissances dangereuses
Délation et obéissance dangereuses
Les comptes personnels dans les temps anciens se règlent de plusieurs manières. Mais le moyen le plus rapide, le plus sûr et à moindre frais est sans nul doute l’accusation calomnieuse.
C’est ainsi que, lorsqu’un seigneur veut se libérer de la tutelle de son souverain en soulevant son peuple, celui-ci est généralement divisé en partisans et en opposants. Et comme ce genre de crime est toujours éventé avant l’heure- la crainte ou le respect dû au roi incitant certains à devenir délateurs-, le seigneur tout comme ses partisans sont condamnés à mort.
Occasion unique pour toute personne qui a quelque compte à régler avec une autre, de le réussir en accusant cette dernière de faire partie des rebelles.
Bien souvent, Andrianampoinimerina doit intervenir que cela ne dégénère en véritable génocide. En effet, connaissant l’attachement de son peuple, il ne peut croire qu’il y a dans son royaume autant d’opposants à sa souveraineté.
« Arrêtez le massacre », ordonne-t-il. « Trop de personnes se haïssent et profitent de l’occasion pour se venger. De plus, leur maître est mort, je ne me bats pas contre un mort », poursuit-il. Et de conclure : « Cependant, si je pardonne, je n’oublie rien pour autant. S’il existe encore des partisans du traître, qu’ils n’oublient rien eux aussi. »
Et pourtant… Rabodonimerina, la première épouse du roi, on le sait, ne peut avoir d’enfant. Elle adopte alors deux garçons, Rabodolahy et Rakotovahiny, fils de Rafaravavindriambelomasina, avec l’accord de son époux de roi.
Plus tard, le bruit court que, par tous les moyens, elle veut avoir son propre enfant et qu’elle aurait trompé le monarque avec un certain Razakabezafy d’Ambohimandrosohavina. Sans tenir compte de l’âge qu’elle peut avoir !
Sans réfléchir, sous le coup de la colère, Andrianampoinimerina les condamne irrémédiablement à mort. Razakabezafy passe le premier entre les mains de l’exécuteur des hautes œuvres, Hagafotsy. Puis vient le tour de Rabodonimerina. Mais Hagafotsy s’y refuse : on ne réveille pas une épouse royale pour l’exécuter.
L’exécution échoit alors à l’un de ses collaborateurs, Vaitra. Rabodonimerina est exécutée et enterrée à Namehana.
Au retour, Vaitra vient faire son rapport.
« C’est fait ! » Le roi lui demande alors les dernières paroles de sa femme. À quoi Vaitre répond : « Andrianampoinimerina veut me tuer alors que je suis la reine qui l’a soutenu dans son œuvre de réunification. » Ce qui émeut le roi dont la colère se retourne contre le pauvre exécuteur car celui-ci aurait dû, de toute évidence, avant d’accomplir sa tâche, faire part de ces paroles au roi. Ce dernier ordonne qu’il soit brûlé vif !
Terminons cette Note par quelque chose de saugrenu. Marc Finaz est le premier missionnaire jésuite français à monter à Antananarivo. Ému de l’appel du prince héritier Rakoto (1854), le père Jouen, préfet apostolique de la Réunion, cherche, depuis longtemps l’occasion d’envoyer un missionnaire dans la capitale de Ranavalonamanjaka. Cette occasion se présente en 1855, lors de la montée à Antananarivo de Lambert. Celui-ci fait passer le missionnaire catholique, déguisé, pour son secrétaire. Ils pénètrent à Antananarivo le 13 juin de la même année.
Habile et fin missionnaire, le père Finaz se présente à la Cour de Ranavalona 1ère comme artisan universel sous le nom de sa mère, Hervier, charmant tout le monde par d’ingénieuses et intéressantes inventions : installations télégraphiques, ballons, daguerréotypes, piano métallique…
Quant à sa fonction de prêtre, il ne l’exerce que dans un cercle privé composé du prince Rakoto, de Laborde, de Lambert et de quatre Malgaches devant lesquels il célèbre la première messe à Antananarivo, le 8 juillet 1855.
Le père Finaz n’échappe pas cependant à l’exil en masse des Européens, le 17 juillet 1857. Mais il remonte à Antananarivo, immédiatement après la mort de la reine.
Pela Ravalitera
Lundi 21 janvier 2013
L’Express