2013-01-31 Visite bruyante au tombeau de Tsimamidra

Publié le par Alain GYRE

Visite bruyante au tombeau de Tsimamindra

Le roi antankarana de Nosy Faly, Ndrivotso ou François-Xavier Andrianjalahy II, part en pèlerinage avec sa famille, ses hauts dignitaires, ses ministres au tombeau de son père Tsimamindra, dans la montagne d’Ambato. François Pollen qui le connaît depuis quelques années, l’accompagne dans ce voyage. Celui-ci dure deux jours, le premier se terminant dans une clairière, au milieu des fougères où la nuit est arrosée par le « betsabe­tsa » et une pluie torrentielle.
Le lendemain matin, le Français se rend dans la tente officielle pour saluer le roi. À cette occasion, ce dernier « nous dit d’un ton triste qu’il nous priait, au nom de son peuple, de ne pas nous moquer des cérémonies dont nous serions témoins dans quelques instants et surtout de ne pas en rire, car cela pourrait irriter le peuple et nous être fatal. Il comprenait très bien que toutes ces cérémonies sont ridicules ; comme chrétien, nous dit-il, il n’attachait pas la moindre importance à ces grimaces, mais son devoir était de respecter les usages de son passé ».
Après que tous les assistants prennent un nouveau coup de
« betsabetsa », ils se mettent en rang de la manière suivante. Les joueurs de tamtam et de cornes de bœuf ouvrent la marche. À leur suite se placent une trentaine d’Antankarana en costume de guerre, vêtus d’un « sembo » très court, d’une longue ceinture en peau de bœuf à laquelle sont attachés une petite giberne, un flacon d’huile et deux colliers de balles. Ils portent encore un fusil à pierre, dans un fourneau de rabane, et une paire de sagaies.
Derrière cette escorte, viennent le roi, les princes, les ministres et hauts dignitaires, la famille royale. Le cortège s’ébranle dans un grand tapage suivant le petit sentier qui parcourt une plaine d’herbes de la hauteur d’un homme, bordé d’une forêt de palétuviers.
Dès qu’ils arrivent à la pente du promontoire qu’il faut gravir pour arriver à la caverne dans laquelle se trouve le tombeau royal, tous doivent s’arrêter afin d’entendre un petit speech prononcé par l’un des plus vieux dignitaires. Cela consiste à consoler ceux qui entreprennent le pèlerinage. Il prie ensuite tout le monde d’ôter son chapeau pour assister à la visite à rendre au roi défunt.
Arrivé sur une « espèce de colline », le cortège descend « avec la même peine le long d’énormes blocs de basalte couverts de fougères, de lichens, d’orchidées et d’arbustes, jusqu’au bord d’une ravine où une foule de troncs d’arbres croisés en tous sens et des masses énormes de roches nous donnaient le vertige, quand nous regardions la profondeur. La place où nous nous trouvions avait la forme d’une espèce de pont et c’était dans les roches qui terminaient ce pont naturel que se trouvait la caverne royale… Le bruit des joueurs de tamtam et de cornes de bœuf, les hurlements des femmes qui étaient placées devant la caverne étaient horribles ».
Le plus âgé des ministres se place sur la roche qui ferme à moitié la caverne et adresse à la famille royale un discours dans lequel il fait l’éloge du roi Tsimamindra, et conseille à son successeur d’ « imiter les bonnes qualités de son défunt père ».
L’allocution terminée, on allume un feu sur lequel on jette des tiges vertes d’un arbre sacré qui répandent une fumée tellement épaisse que l’Européen se croit tout à coup entouré d’un nuage. « C’était là le sacrifice qu’on offrait au feu roi, mais qui étouffait presque ceux qui étaient près du bûcher ».
Les offrandes sont ensuite déposées dans une caverne où les membres de la famille royale entrent un par un, sans doute pour prier et pour demander sa bénédiction. Offrandes qui consistent en des vases et bouteilles de
« betsabetsa », tabac, feuilles de bétel, pots remplis de résine aromatique…
La cérémonie se termine bruyamment : « Tous les Antan­karana qui étaient armés de fusils commencèrent à tirer plusieurs coups qui furent tellement forts qu’on aurait cru entendre des coups de canon. Nous étions fort en danger par leur salut militaire et, à chaque instant, je m’attendais à voir éclater un des fusils ».

Pela Ravalitera

Jeudi 31 janvier 2013

L’Express

Notes du passé

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