2013-02-28 Flacourt et ses voisins autochtones
Flacourt et ses voisins autochtones
Quand Pronis quitte Madagascar le 19 février 1650 avec un premier chargement de produits que Flacourt peut se procurer au prix de mille difficultés, ce dernier n’a encore reçu aucune nouvelle de France depuis son arrivée, le 4 décembre 1648. Il demeure seul avec 108 hommes, nombre insuffisant devant une hostilité qu’il sent monter parmi la population autochtone.
De plus, une opposition s’élève entre le père Nacquart et lui : son caractère pratique se heurte aux idées désintéressées et à l’extrême austérité du prêtre. Flacourt a un tempérament de conquérant et se soucie peu des mœurs de son personnel. Nacquart, lui, ne songe qu’au prosélytisme et à l’âme. Finalement, ce dernier reproche au premier de ne pas s’acquitter de ses obligations. Flacourt riposte en accusant le prêtre de sortir de ses attributions spirituelles. Une défiance réciproque règne, qui faillit provoquer le départ du père Nacquart que Flacourt arrive à convaincre de rester. Mais miné par les fièvres, il meurt en mai 1650.
C’est alors qu’à la suite d’un complot ourdi par Andrian-Ramach, l’effervescence gagne toute la contrée. Ce roi mahafaly a toujours interdit à ses sujets de vendre leurs produits aux Français. À son arrivée, Flacourt lui rend visite, comme il le fait aux autres chefs mieux disposés. Il a avec lui un long entretien d’où il comprend « que les violences de Pronis n’étaient pas oubliées ».
L’effervescence règne donc sur toute la région : des Français sont attaqués ou assassinés, le fort Dauphin est menacé et Flacourt doit se préparer à la lutte. Voyant arriver une nouvelle disette, il parvient à s’emparer du roi mahafaly et ne lui rend la liberté qu’en échange de 400 bœufs. Puis l’attaquant à son tour, il détruit sa résidence de Fanjahira et le roi perd la vie dans le combat. La plupart des chefs de l’Anosy viennent au fort pour se soumettre.
Cependant, ces soumissions ne sont pas sans arrière-pensée et laissent Flacourt inquiet sur l’avenir. S’il a réalisé ses projets de domination, celle-ci demeure précaire car elle s’est faite par la force et les Français épuisés manquent de tout.
En 1653, le gouverneur du fort Dauphin décide de rentrer en France pour exposer la situation à la Compagnie des Indes orientales et « faire diligenter les affaires ». Le 23 décembre, il embarque sur une barque de
41 tonneaux, construite vaille que vaille au fort, mais il doit revenir à son point de départ, vingt jours plus tard, incapable qu’est son petit navire de résister au mauvais temps.
La politique de Flacourt change de ce fait du tout au tout : il se rend compte que les soumissions dues à la seule contrainte doivent être abandonnées, s’il veut résoudre les problèmes de survie de ses hommes qui souffrent de toutes sortes de privations. Il se montre désormais plus accommodant, restitue du bétail saisi, fait des présents aux chefs dont il recherche l’amitié. Andrian-Manangue du Masikoro et Andria-Menasotrona de l’Onilahy se rallient à lui.
Le 12 août 1656, deux navires français sur l’un desquels se trouve Pronis sont signalés à Sainte-Luce. Ils n’apportent pourtant aucun secours et les lettres reçues ne donnent aucune indication sur la situation de la Compagnie dont le privilège aurait dû expirer depuis deux ans.
Les plaintes des colons deviennent violentes, ils s’en prennent au gouverneur dont la position est de plus en plus intenable. Il décide de retourner en France, non sans avoir au préalable pu obtenir des munitions et quelques marchandises pour ravitailler l’établissement qu’il doit maintenir à tout prix, et en confie la direction provisoire à Pronis. Lorsqu’il part le 12 février 1655, il laisse une colonie faible mais approvisionnée et vivant en bons termes avec ses voisins.
Flacourt ne devra plus revoir Madagascar, même s’il s’embarque de nouveau pour la Grande île, le 20 mai 1660. Le navire qui le transporte est attaqué à hauteur de Lisbonne par des corsaires turcs et coulé avec ses passagers. « Cette mort fut une perte irréparable pour Fort-Dauphin ».
En 1661, on publie une seconde édition de son livre, dont un chapitre sur les « Avantages que l’on peut tirer de l’établissement des colonies à Madagascar pour la religion et le commerce », constitue un « véritable testament colonial ».
Pela Ravalitera
Jeudi 28 fevrier 2013
Notes du passé
L’Express