2013-04-17 Quand le migrant Tandroy rentre chez lui

Publié le par Alain GYRE

Quand le migrant Tandroy rentre chez lui

Lorsque l’émigré antandroy revient chez lui, après quel­ques mois de travail
« andafy » (hors de sa communauté, notamment dans le Nord-ouest), il se fait d’emblée remarquer par son habillement.
« Le premier signe de l’évolution vestimentaire du Tandroy est l’abandon du salaka (sorte de pagne) pour l’adoption du short » (Jacques Feniès, « Migration tandroy », 1957). Se voient également dans sa garde-robe le chapeau à large bord, la chemise, le manteau (palitao lava), les lunettes de soleil; et surtout, le « Golaz », grand parapluie « signe du pouvoir et bâton de commandement d’un genre nouveau ».
La femme, elle, découvre les robes dites de friperie, le lamba, les foulards noués autour du cou ou sur la tête, le rouge à lèvres, l’ombrelle… Toutes ces transformations ont, autrefois, surpris sinon choqué ceux qui accueillent les voyageurs. En 1957, elles sont jugées comme les preuves nécessaires de l’exil volontaire. « Sous peine de voir faillir sa réputation, on ne saurait se présenter sans transformation, au moins extérieure. »
Ces transformations de façade ne durent guère, surtout en milieu rural. Le petit effet de surprise passé et l’amour-propre ayant reçu satisfaction, on rentre dans la norme et le « salaka » reprend ses droits, « mais sans plus avoir une primauté absolue ». « Qu’arrive, en effet, une cérémonie et les habits ramenés de l’extérieur feront leur réapparition. Quant à la coquetterie féminine, elle est encore plus prompte à se montrer. »
Concernant l’habitat, en règle générale, il n’y a pas de changement, bien que l’Antandroy ait été frappé par la découverte de grandes maisons de pierre, soit de cases plus grandes et mieux conçues que la sienne. Une fois de plus, on rencontre la résistance des traditions : le ciment est froid, les jolies cases sont trop grandes… Cependant, ici et là, les cases gagnent en hauteur, s’élargissent.
Au point de vue du régime alimentaire, si l’émigré de retour chez lui revient aux habitudes d’autrefois, il a souvent pris goût au riz, aux haricots, au poisson acheté à l’occasion en fonction de l’argent à dépenser ou de l’épuisement des ressources habituelles.
C’est au point de vue psychologique et intellectuel que le résultat des migrations sont de loin les plus intéressants et les plus décisifs. « Il ne fait aucun doute que le Tandroy, même le plus fruste et le plus obtus, retire un profit de sa découverte du monde extérieur. » Les mieux disposés prennent conscience de leur retard par rapport à d’autres groupes ethniques, de l’isolement de leur pays, de l’interdépendance économique et humaine de tous les Malgaches, de la nécessité pour eux de s’engager dans des voies nouvelles.
À preuve, les demandes incessantes d’écoles et de charrues, la compréhension croissante de l’intérêt du mécanisme des marchés sont autant de signes précurseurs. « Le vieux monde tandroy, replié sur lui-même, va basculer et disparaître. » Ce sont surtout les jeunes qui s’ingénient dans le domaine économique et dans le cadre des cellules nouvelles que sont les communes rurales. « On comprendra alors la portée et le mérite de ces phénomènes migratoires. »
Toutefois, il existe aussi quelques jeunes déracinés qui se retrouvent dans les centres, coupés de tout et de tous, allant d’un métier à l’autre et désœuvrés dans l’intervalle, perdus dans un monde pour lequel ils ne tentent pas de s’adapter. Faisant le pendant de ces jeunes gens, quelques jeunes femmes s’abandonnent à la prostitution, « prostitution souvent découverte ailleurs ».
L’émigré découvre aussi le jeu et surtout le vin. « Le Tandroy qui boit assez peu chez lui, courtise assez facilement la dame-jeanne quand il est hors de chez lui, pour ne l’utiliser que rarement au retour. Il est vrai qu’il faut établir une différence entre ville et campagne, le café étant lui aussi un phénomène urbain qui se propose comme remède pour combattre ce qu’on pourrait appeler le mal des villes, très fréquent. »

Pela Ravalitera

Mercredi 17 avril 2013

Notes du passé

L’Express

 

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