2013-04-24 Paul Locamus, le grand colon du Nord-ouest
Paul Locamus, le grand colon du Nord-ouest
Le Nord de Madagascar est la région la plus colonisée et Paul Locamus est le bénéficiaire de la plus vaste concession qu’attribue le nouveau président français, Emile Loubet. Cassam Aly Ndandahizara, dans son ouvrage « Ambalavelona ou l’insurrection anticoloniale dans le Nord-ouest de Madagascar en 1898 » le décrit très bien.
Paul Locamus est une figure connue au début de la prise de possession par les Français de la baie de Diego-Suarez, où il crée la Société de graineterie et fait construire, en 1889, l’usine de fabrication des conserves d’Antongombato, qu’un peu plus tard, la Société Rochefortaise rachète. Il se tourne vers Nosy Be en 1893, afin d’obtenir l’attribution de plusieurs concessions dans l’île, entre autres, à Andavakoto, Ambatoloaka, Andilana, Nosy-Sakatia…, pour un projet de construction d’une autre usine de fabrication de conserves de viande de bœufs. Mais son plan traîne jusqu’à l’annexion de Madagascar par la France en 1896.
Le Dr Lafage, administrateur-maire de Nosy Be, le dissuade et lui écrit en ces termes : « L’établissement d’une usine à conserves à Nosy Be était tout indiqué, il y a quatre ans, alors que Madagascar n’était pas terre française et c’eut été courir au-devant de toutes sortes de risques et de dangers de l’établir sur la côte. Mais aujourd’hui, il n’en est plus de même ; il y a sur la côte Nord-ouest des points nombreux qui se prêteraient merveilleusement à une entreprise de ce genre. En créant l’usine à Nosy Be, les frais généraux seraient singulièrement augmentés par les transports des bœufs dans l’île, par l’entretien et même par la création des pâturages nécessaires au moins qu’il faudrait entretenir pour avoir toujours de quoi travailler 200 têtes par jour. »
À compter de ce moment, les hommes de Paul Locamus parcourent la région indiquée par l’administrateur de Nosy Be, chassent les Sakalava de leurs terres et de leurs pâturages, les terrorisent. Selon Cassam Aly Ndandahizara, « les administrateurs, chefs des régions faisaient la sourde oreille aux plaintes du roi Tsiaraso et de la reine Binao. Les Sakalava continuaient d’émigrer vers les montagnes en amenant leurs troupeaux de bœufs ».
Les Antankarana et les Sakalava comprennent alors qu’ils ne sont plus chez eux et que leurs terres, ces patrimoines hérités de leurs ancêtres, ne leur appartiennent plus.
Deux ans après, Paul Locamus obtient l’ensemble de la presqu’île d’Anorontsangana, y compris le royaume de Binao, reine des Sakalava bemihisatra, et une partie de celui de Tsiaraso, roi des Sakalava bemazava :
Le décret présidentiel qui lui accorde en juillet 1899 une concession sur le territoire malgache, stipule en substance qu’il est autorisé à acheter 200 000 hectares de terrains et les répartir. 100 000 hectares sont à choisir au maximum et d’un seul tenant dans la presqu’île de Bavatobe, sur la côte Nord-ouest, parmi les terrains limités, au sud par la rivière Bevondra; au Sud-est et à l’Est, par la rivière Djangoa ; au Nord-est, par la baie d’Ampasindava ; au Nord, par la baie de Bavatobe et la pleine mer (Canal de Mozambique); au Nord-ouest, à l’Ouest et au Sud, par le Canal de Mozambique.
Il devra ensuite choisir 2 hectares de terrain domanial dans l’île de Nosy Komba, pour l’installation d’un sanatorium. Le complément des 200 000 hectares sera choisi parmi les terrains domaniaux disponibles des régions du Nord-ouest et de l’Ouest, dont la moitié en pâturages par quatre lots de 25 000 hectares au minimum chacun.
Le décret émet toutefois quelques réserves sur cette autorisation, pour que le bénéficiaire respecte les droits acquis par les tiers au jour de la promulgation du présent décret dans la Colonie et les droits des indigènes. Ceux-ci sont définis à l’article 5 et parlent des terrains à acheter dans les territoires désignés plus haut, au prix de 2 francs l’hectare et aux conditions fixées par l’arrêté du gouverneur général en date du
10 février 1899, relatif à la concession des terres domaniales.
Pela Ravalitera
Mercredi 24 avril 2013
Notes du passé
L’Express