2013-07-26 L’île Bourbon, terre d’exil des mutins et rebelles
L’île Bourbon, terre d’exil des mutins et rebelles
En juillet 1646, lorsque Pronis sort de prison, il éloigne de Fort Dauphin, 12 mutins qui lui sont particulièrement hostiles et les relègue à Bourbon. On n’entend plus jamais parler d’eux.
Toutefois en 1649, Étienne de Flacourt prend la décision inattendue de les envoyer chercher par un petit bâtiment. « Dans l’intention, peut-être, d’embarrasser Pronis, devenu son souffre-douleur » (Urbain Faurec, « Aventuriers et conquérants de Madagascar »).
Personne à Fort-Dauphin ne se fait d’illusions, car tous pensent bien que la barque reviendrait à vide. « Il paraissait improbable que des hommes, abandonnés sans secours et sans ressources sur une île déserte, eussent pu résister. »
Aussi qu’elle n’est la surprise de la Colonie lorsque le 7 septembre, la barque apparaît sous les murs de la Citadelle. On en voit débarquer, frais et dispos, au grand complet, le petit groupe d’exilés qui vient de passer trente-six mois en pleine nature.
Flacourt interroge les rescapés. Ils disent
« le plus grand bien » de la petite île voisine, évoquant toutes les ressources aisément trouvées sans le moindre effort.
« Ils décrivirent les fraîches rivières où ils s’étaient baignés, les plages immenses qu’ils avaient parcourues, les magnifiques forêts qu’ils avaient visitées, les fruits délicieux qu’ils avaient cueillis… »
Ils racontent qu’après avoir longuement cherché l’endroit le plus propice où établir leurs habitations, ils l’ont choisi sur les bords d’un petit cours d’eau qu’ils baptisent de
« rivière Saint-Jean ». En effet, leur installation s’est faite dans « un site parfaitement agréable auquel ils avaient donné, en le quittant, le nom d’Assomption, parce que le 15 août avait été le jour de leur délivrance ».
Ils ajoutent, avec quelque regret « que s’ils n’avaient pas réussi à peupler cette île si naturellement hospitalière… c’est parce qu’ils n’avaient pas été autorisés à y emmener des compagnes… »
Malgré tout cet enthousiasme et toutes les promesses que les anciens exilés lui laissent entrevoir, Flacourt ne peut se décider à tenter sur Bourbon une colonisation organisée. C’est à peine s’il consent à y faire passer un taureau et quelques génisses.
En 1654, quand Couillard le Chevelu qui jouit d’un certain ascendant dans le pays, fomente un complot parmi les populations autochtones, il le fait arrêter. Mais on ne sait pour quelle raison, il lui fait grâce de la vie. Il se contente de l’envoyer à Bourbon avec sept de ses complices et six Malgaches également compromis.
« Pour la deuxième fois en moins de dix ans, l’île Bourbon devient colonie pénitentiaire. »
Couillard le Chevelu et ses compagnons d’infortune trouvent, en débarquant, un troupeau d’une vingtaine de têtes, descendants du taureau et des femelles envoyés cinq ans plus tôt. Ils mènent dans l’île une existence qui n’est guère différente de celle menée par les mutins qui les ont précédés.
Ils plantent du tabac et recueillent des fibres d’aloès. Et comme leurs prédécesseurs, sans doute, ils ont à subir quelques cyclones et ouragans qui les obligent à reconstruire leurs habitations à maintes reprises.
Toutefois, ils reçoivent en 1656, la visite de Saint-Georges qui leur apporte des nouvelles de Fort Dauphin et « le détail des dégâts subis par la ville lors de deux incendies consécutifs ». En somme, leur vie est calme et sans histoire jusqu’en 1658. Commence alors pour eux une pénible aventure.
Le 28 mai de cette année, le bâtiment Thomas-Guillaume cherche abri à Bourbon. Son commandant, le capitaine Gosselin, attiré par un feu qu’il aperçoit du large, vient prendre terre non loin des habitations des exilés.
En fait, il s’agit d’un trafiquant d’hommes et d’un flibustier. À court de marchandises, il n’aborde l’île que dans l’espoir d’y trouver des autochtones dociles. Il les aurait non seulement pillés et détroussés mais aussi enlevés pour les vendre comme esclaves aux établissements portugais de l’Inde. À défaut de les trouver, il propose à Couillard le Chevelu un voyage dans ce grand pays où vendre leurs produits.
Pela Ravalitera
Vendredi 26 juillet 2013
L’Express