2013-10-21 Notes du passé: Les contradictions d’une loi sur la propriété foncière

Publié le par Alain GYRE

Les contradictions d’une loi sur la propriété foncière

 

Dès son arrivée et alors que la pacification qu’il mène, n’est pas encore terminée, le gouverneur général Joseph Simon Gallieni se préoccupe d’organiser des périmètres destinés aux colons sur les grandes superficies fertiles (plaines, baiboho).

Razoharinoro-Randriamboavonjy, archiviste, cite l’exemple de l’attribution des terres dans le district de Marovoay, qui suscite nombre d’oppositions de la part des Malgaches. Comme toutes les autres bonnes terres de Madagascar à l’instar des « baiboho » de la Mangoky, de la Betsiboka, des plaines de l’Alaotra, de l’Est, du Sambirano, celle de Marovoay est révélatrice de la politique foncière du nouveau pouvoir en place.

Tout au début du siècle, un certain Garnier obtient de l’administration Gallieni 3 000 hectares dans la plaine de Marovoay. A l’époque, une grande partie de la plaine de la Betsiboka, rive droite, « appartenait » déjà à sa concession du nom des Grandes-Garnières. La cession de ces 3 000 hectares inquiète beaucoup de Malgaches qui n’ont « même plus suffisamment de terres au point d’être obligés d’en acheter aux Grands Domaines pour leurs cultures ».

Vers 1905, les Grandes-Garnières passent aux mains du couple Billaud, des commerçants de Mahajanga, mais il les vend pour s’acquitter de ses dettes. La même année, l’épouse Billaud demande une concession de 10 000 hectares, sur la rive gauche de la Betsiboka, comprenant la plaine de Tsimahajao. Ce sont des terrains entièrement transformés en rizières et occupés par des Malgaches.

« Ces derniers firent une vive opposition à la demande de Mme Billaud et demandèrent que la plaine de Tsimahajao qu’ils avaient entièrement mise en valeur, fut immatriculée en leur nom ; l’immatriculation de leur propriété n’était pas encore obligatoire pour les Malgaches à l’époque. »

Mais Mme Billaud n’en démord pas et renouvelle sa demande en 1907. Une commission « chargée d’étudier l’attribution des concessions territoriales dans la plaine de la région de Marovoay », inspecte la région. Elle estime qu’il est nécessaire d’en revenir purement et simplement à la décision prise en 1906. Celle-ci a érigé en réserves indigènes les terrains de la plaine de Tsimahajao. La commission suggère aussi de refuser totalement toute concession de terrains et à l’intérieur de ces réserves.

Pourtant, quelques années plus tard, en 1912, 1 000 hectares dans la région sont concédés à un certain Boureau. Concession jugée par la commission des réserves comme « absolument indispensable au développement de la colonisation dans la plaine de Marovoay ».

Encouragée par l’attitude contradictoire de l’administration dans cette affaire, les Billaud renouvellent leur demande de concession. Georges Billaud est alors devenu le représentant d’une société anglaise récemment créée,

« The Marovoay Rice Lands Company Limited », dont le siège est à Londres.

Dès que les paysans apprennent cette demande, les oppositions affluent de nouveau au chef-lieu du district et l’affaire devient un peu plus difficile pour Billaud. Il envoie une lettre au ministre des Colonies Lebrun, pour qu’il insiste auprès du gouverneur général Albert Picquié (1910-1914) afin qu’il lui donne « sans retard » une concession à Tsimahajao.

Lebrun donne directive au gouverneur général « de rechercher une solution qui concilie les droits des indigènes et les intérêts des colons français installés dans la région ». Lebrun demande l’impossible. Picquié tergiverse.

Finalement, la responsabilité de la décision est transférée aux instances judiciaires, mais à la veille de la Grande guerre, rien n’est toujours pas résolu. En 1914, les premiers occupants de la terre, les paysans, réclament l’immatriculation en leur nom des rizières qu’ils mettent en valeur. « Ils étaient provisoirement les plus forts. »

 

Pela Ravalitera

 

Lundi 21 octobre 2013

L’Express

Publié dans Notes du passé

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