2014-01-10 Notes du passé: Flatter l’ambition de Radama par intérêt
Flatter l’ambition de Radama par intérêt
Dans le Traité du 9 juillet 1817 conclu entre Radama 1er et Jean René, ce dernier s’autoproclame « roi de Tamatave et dépendances ». Il ne tarde pas à vouloir y inclure l’île Sainte-Marie.
Arrive août 1820, où le gouverneur de Maurice, Sir Robert Farquhar rentre de son séjour en Europe et s’efforce de reprendre les relations anglo-merina mises à mal par son intérimaire. Radama 1er accepte de renouer ces liens quasi rompus.
Voici ce qu’en dit le capitaine d’artillerie Carayon qui analyse, en 1824, la situation politique dans la Grande île, notamment sur la côte Est, afin de favoriser l’établissement français à Tintingue et à la Pointe à Larrée. À souligner que pour lui, « Radama ne peut être que le jouet des Anglais ».
« Vous connaissez trop, Monsieur le commandant (autrement dit le ministre de la Marine, le marquis Aimé de Clermont-Tonnerre), les détails de l’occupation de Foulpointe depuis 1822 par les Hova et la prétention de leur chef (Radama 1er) à la souveraineté de tout Madagascar. Mais je ne puis me dispenser de vous rapporter que ce chef, non content d’occuper à main armée la capitale des anciens établissements français à Madagascar, a ravagé de plus tout le littoral de la province des Betsimissarac dont les chefs venaient de se reconnaître les vassaux de Sa Majesté très Chrétienne, a incendié Tintingue où flottait le pavillon du roi et pillé à la pointe Larré un troupeau considérable de bœufs faisant partie de l’approvisionnement de Sainte-Marie (juillet 1823), malgré les vives récriminations de M. Thebault (traitant français installé à la Pointe à Larrée). »
La première colonne merina arrive à la Pointe à Larrée, le 29 juillet 1823. Elle est sous les ordres du prince Ramananolona, cousin du souverain merina. D’après Carayon, après cette « attitude si hostile » des Merina, les
« menaces les plus outrageantes » se font. Le général Ramananolona aurait même fait preuve d’intimidation en annonçant que Radama ne doit pas tarder à venir en personne, pour interdire à n’importe quel soldat (étranger) de résider sur aucun point de Madagascar.
Néanmoins, le commandant Blévec ne manque pas d’adresser à Radama ses protestations pour maintenir, dans toute leur intégrité, les droits de la France sur ce pays. Ce qui fait
« changer le ton du souverain », tout au moins concernant Sainte-Marie. Radama reconnaît que celle-ci « appartient » aux Français parce qu’ils y sont avant lui.
Toutefois, il tient à préciser qu’il ne peut en être de même de Tintingue, Foulpointe et autres lieux sur lesquels les Français n’ont pas installé de postes avant que lui-même ne
« descende » au bord de la mer.
Carayon indique que durant son séjour à Foulpointe, Radama reçoit « de nombreuses aides en vivres, armes et munitions des Anglais ». Il met en exergue que l’agent anglais James Hastie l’accompagne même dans toute cette expédition. Le capitaine français regrette ainsi que depuis cette époque, « les plus grands désordres » règnent dans tout le pays betsimisaraka, dont « le résultat est la perte de notre influence qui y diminue de jour en jour ».
Il avance alors une suggestion : « Les intérêts du gouvernement exigent qu’il prenne des mesures promptes pour les faire cesser. » Et de proposer un moyen de tourner en faveur des Français l’attention du souverain merina.
« Radama étant un homme excessivement ambitieux », il pense qu’il serait peut-être possible de flatter cette ambition en lui promettant qu’il conservera le titre de roi de Madagascar. À une condition : « Pourvu toutefois qu’il s’engageât à ne pas le faire valoir en faveur des Anglais ou de toute autre nation au préjudice des intérêts de la France ! »
Pela Ravalitera
Vendredi 10 janvier 2014
L’Express