2014-02-17 L’apport français dans la formation technique des Merina
L’apport français dans la formation technique des Merina
17.02.2014
Notes du passé
Un charpentier, Brooks; un forgeron, Chick ; un tisserand, Rowlands ; un tanneur, Canham; et surtout Cameron, l’ouvrier-missionnaire par excellence. Aussi importante qu’ait été la part prise par les missionnaires anglais dans la formation professionnelle en pays merina, l’œuvre de certains Français dans le même sens n’est pas non plus à minimiser. Et d’après Jean Valette, archiviste-paléographe, les résultats qu’ils obtiennent par certains côtés, sont plus importants et plus durables.
L’origine de ces Français est toute différente de celle de leurs collègues anglais. Il s’agit surtout d’hommes venus volontairement, sans doute même à leurs risques et périls, n’appartenant à aucune organisation confessionnelle ou autre et ne recevant aucune aide, officielle ou déguisée, de leur gouvernement.
Le premier qui débarque en Imerina, et bien avant les missionnaires artisans anglais, est un métis réunionnais du nom de Carvaille. Il introduit à Antananarivo l’art de la ferblanterie. Cameron en parle dans ses « Mémoires » et le décrit comme un excellent ouvrier auquel on confie de nombreux jeunes gens. Mais d’après l’Anglais, « il enseignait à ses élèves la partie matérielle de la besogne, il aurait gardé pour lui ses modèles. Aussi certains de ses apprentis auraient été amenés à acheter des objets fabriqués, à les dessouder et à les aplatir pour les reproduire par la suite ».
Selon Jean Valette, si Carvaille est vraiment ainsi, il ne mériterait pas de compter parmi les instructeurs bénévoles des Malgaches. « Mais ce témoignage peut être considéré comme suspect, d’autres sources, en particulier Hastie, nous apprenant qu’un certain nombre d’ouvriers furent initiés à la ferblanterie par ses leçons et ses modèles. »
L’architecte-paléographe cite le nom d’un autre Français, Mario, « le premier Européen qui ait enseigné l’art de manier l’aiguille ». Ses élèves sont « des hommes qui réussissaient très bien, puisque les premiers habits cousus et les premières redingotes exposés à Tananarive » sont leur œuvre. Ils sont également initiés à la broderie !
Mais le plus connu des Français, « celui dont l’influence fut de beaucoup la plus considérable et la plus durable », est Louis Gros ou Legros, entrepreneur en construction. Arrivé à titre privé en 1819, il se met aussitôt à former des charpentiers, des menuisiers et des ébénistes. Coppalle, plus tard gouverneur de Toamasina, qui visite Antananarivo en 1822, décrit ses ateliers installés à Andohalo et se montre frappé des connaissances déjà acquises par ses ouvriers. À cette occasion, il note les
« heureuses dispositions manuelles » des jeunes Merina.
Cependant, ce qui fait la célébrité de Louis Gros est la construction, avec la collaboration du dessinateur Casimir, du Palais de Soanierana destiné à Radama 1er.
La bâtisse- la plus importante que l’on ait vue jusqu’alors dans la capitale- est considérée comme une merveille d’architecture et son influence est considérable. Construite en bois- « l’emploi de la pierre, interdit pour des raisons mystico-religieuses, n’était autorisé à Tananarive qu’en 1867 »-, elle frappe « vivement l’imagination des contemporains par son ampleur inusitée et ses dispositions ». Longtemps après la mort de Radama, on raconte que ce roi a décidé de n’en accorder l’accès qu’à ceux qui savent lire et écrire. Le Palais a été érigé sur une esplanade au milieu de parterres de fleurs et de pelouses.
La construction du Palais est entreprise en 1824 car, lorsqu’il la visite pour la première fois en 1826, Cameron affirme qu’elle est fort avancée. Il émet quelques avis pour relever le rez-de-chaussée en supprimant le premier étage. Les chambres d’en haut et le plancher sont enlevés et on dispose une véranda intérieure qui rencontre beaucoup de succès et est reproduit dans beaucoup d’autres constructions, « au point de devenir l’un des caractères spécifiques de l’architecture malgache ».
« L’édifice (…) constituait un précédent hardi dans un pays où l’architecture ne s’était pas encore élevée au-dessus d’un modèle à peu près uniforme et de proportions limitées, dont on peut saisir le type qui existe encore de nos jours dans les cases d’Andrianampoinimerina, tant à Ambohimanga qu’au Palais de la Reine. »
Pela Ravalitera
L’Express