2014-04-04 Comportement différent entre Indiens et Chinois
Comportement différent entre Indiens et Chinois
04.04.2014
Notes du passé
À a veille de l’avènement de la République et du retour à l’Indépendance, l’économie du Territoire- entendre Madagascar- est avant tout agricole et l’autoconsommation y tient une large place. Si l’agriculture et l’élevage sont le fait des Malgaches, producteurs ou salariés, le commerce- hormis sur les Hautes terres- est entre les mains des Européens, des Indiens et des Chinois (Bulletin de Madagascar, octobre 1957).
En 1938, la structure du commerce se présente clairement. Trois grandes compagnies françaises étendent leur réseau d’agences dans les principaux centres de l’île. Elles avancent des crédits de campagne aux collecteurs chinois sur la côte Est (café, girofle), indiens sur la côte Ouest (raphia, paka, maïs, haricots, pois du cap), merina sur les Hauts-plateaux (riz).
Elles ravitaillent ces mêmes collecteurs qui tiennent souvent boutique en brousse, de toutes les marchandises dont le producteur autochtone peut avoir besoin. Et « surtout, ils avaient pratiquement le monopole des denrées de première nécessité (sel, sucre) et suffisamment de possibilités pour avoir pratiquement le contrôle des transactions intérieures du riz ». Très rapidement, ils deviennent les distributeurs des trois grandes compagnies étrangères importatrices d’hydrocarbure.
À côté des trois grandes sociétés se trouvent quelques entreprises familiales un peu plus spécialisées dans une branche commerciale : quincaillerie, matériaux de construction, construction de chalands ou de pirogues.
Jusqu’à la Seconde guerre mondiale, il existe une différence essentielle dans le comportement des Indiens (13 000) et des Chinois (6 700) à Madagascar. Avant 1938, les premiers s’installent définitivement dans le pays et y font souche ; les seconds viennent pour gagner de l’argent qu’ils rapatrient sur leur pays d’origine avant de s’y retirer après avoir amassé une certaine fortune. À partir de 1939, les uns et les autres s’organisent pour vivre définitivement dans la Grande île et « leurs œuvres de jeunesse » (éducation, cercles, maisons d’étudiants dans les grands centres) se développent rapidement depuis.
Les Indiens sont plus spécialisés dans le commerce des tissus, vêtements et articles en matières textiles. Certaines grandes familles montent d’importantes affaires industrielles (huileries, savonneries, rizeries). L’une d’elles a même racheté une tannerie du côté d’Anjeva, dans la banlieue tananarivienne.
Dans les grands centres, les Chinois s’adonnent davantage au commerce d’alimentation. En milieu rural, leurs boutiques contiennent tout ce que les populations locales peuvent acheter.
« Le détail auquel se livre le commerçant chinois est difficile à concevoir pour un Européen : allumettes et cigarettes vendues par quelques unités ou à la pièce, pour ne citer qu’un exemple. »
En outre, Indiens et Chinois achètent par quantités souvent très minimes les productions agricoles et influent sur les prix payés aux producteurs locaux. Toutefois, ils ne peuvent prétendre qu’ils commandent le développement de certaines productions locales. Néanmoins, c’est un peu le cas des pois de Cap dans le Sud-ouest. La collecte de ce produit y est presque exclusivement assurée par les Indiens qui travaillent directement à l’exportation avec des maisons anglaises spécialisées dans l’achat de ce produit.
« Les autorités locales sont dans l’obligation de surveiller attentivement les achats sans pouvoir toujours empêcher certaines manœuvres spéculatives. »
Il en est de même pour les arachides avant l’entente intervenue avec la Compagnie générale des oléagineux tropicaux. Elle en achète sur les marchés créés par l’Administration avec fixation d’un prix-plancher pour la durée de toute la campagne.
En 1957, il paraît impossible de remplacer les collecteurs chinois et indiens. Malgré certaines «pratiques critiquables », ils rendent des services indispensables en brousse. Cependant, l’organisation du paysannat malgache doit permettre de mettre en place, à plus ou moins longue échéance, des organismes témoins émanant des collectivités locales et des coopératives rurales qui serviront de régulateurs en ce qui concerne les prix payés aux producteurs.
L’Express