Un passé peu connu de la capitale du Sud-ouest

Publié le par Alain GYRE

Un passé peu connu de la capitale du Sud-ouest

 

19.05.2014

Notes du passé

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Ankatsoaka, déformation d’Ankontsaoke (où l’on fait du bruit en marchant sur le sable), Mahavatra (le quartier actuel de Mahavatsy), Kotsaoky ou Kosoka, Toliana ou Fitoliana (terme du voyage), Toliarana (revenu des coraux) ou Toliara (abrité des récifs). Ce sont autant d’appellations données par les anciens auteurs à Toliara ou Tuléar.

 C’est au cours du XVIIIe siècle que le rôle de la localité devient moins obscur, car les conditions historiques changent. Les bateaux européens notamment sont de plus en plus nombreux sur la route des Indes orientales. Selon René-Louis Ader (Esquisse d’une histoire de Tuléar, des origines jusqu’en 1897), « si les navires français ont une préférence pour la grande route, directement les Mascareignes par le Sud, Hollandais et surtout Anglais optent pour la route ordinaire par le Mozambique ». Parallèlement, les Hollandais qui renoncent à Maurice, tentent la colonisation du cap, tandis que la Compagnie des Indes commence la mise en valeur des Masca­reignes.

 Tout ceci a des incidences sur l’activité de Toliara. D’après l’auteur, les Hollandais « semblent avoir peu fréquenté la région» et quand le «De Back » vient traiter dans la localité en 1741, le roi de la région, le King Baba Ratsiman­dresy, s’emporte au cours d’un marchandage contre le chef de traite.

 « Si vous ne voulez pas traiter… partez! Je ne vous retiens point. Vous venez ici tous les vingt-cinq ans; par conséquent, que vous venez ou que vous ne venez pas, cela m’est bien égal. Les Français et les Anglais qui viennent ici tous les ans, me sont bien plus profitables: eux au moins me donnent comme cadeau de bienvenue un tonneau de poudre et cinq à six boucaniers, et à mes femmes, des coraux et du drap rouge. »

 Parlant des navires français vers les Indes, à partir des Masca­reignes (donc la Réunion), René-Louis Ader fait remarquer que seuls les stationnaires et les navires ayant manqué la mousson sont envoyés dans la Grande île pour se ravitailler et acheter des esclaves. Mais des travaux de Lougnon montrent que le Sud-ouest de Madagascar n’est pas fréquenté au XVIIIe siècle.

 En revanche, il est prouvé que le trafic anglais est important. À preuve, à la Cour de King Baba, la langue anglaise est assez connue, émaillée d’une «foule d’anglicismes». Voici ce qu’en dit en 1741, Hemmy du « De Brack»: « (le roi) me demanda ensuite à voir  ma lettre de créance que je lui présentai, mais il me fit dire par le capitaine James, qui est un des principaux seigneurs de sa Cour, de lui en faire la lecture. Je me disposais à la traduire en anglais aux seigneurs James et John afin qu’ils la lui traduisissent à leur tour, mais ils m’avisèrent que le roi savait l’anglais.»

 Quelques années plus tard, en 1754, l’Anglais Edouard Yves note: « L’ancre était à peine jetée que nous vîmes arriver à bord de notre navire… le vieux Robin Hood, un autre individu de la suite du roi Baba qu’ils dénomment le purser… les capitaines John Anderson et Frederik Martin, deux autres chefs du roi qui s’enorgueillissent de porter des noms anglais. La famille royale a du reste, à l’instar de la Cour d’Angleterre, son Prince de Galles, son duc de Cumber­land… et une foule de princes affublés de titres anglais… La plupart des gens qui habitent dans les environs de cette baie, baragouinent assez d’anglais pour être à même d’échanger les productions… »

 Ainsi, Toliara est en voie de suppléer Saint-Augustin au cours du XVIIIe siècle. Au début, les conditions offertes aux navires sont des plus médiocres. Le premier texte concernant Toliara qui est de Thornton en 1703 (cité par Alfred Grandidier) n’est guère enthousiaste.

 « Tullea est situé à cinq lieues environ au nord de la baie de Saint-Augustin. Les indigènes ont leur village à demi-mile de la mer et le commerce y est assez important, mais le lieu n’est bon ni pour y faire du bois, ni pour y faire de l’eau, car la rivière est si peu profonde que même une petite barque n’y peut  entrer. La rade est bonne, protégée qu’elle est par une ceinture de brisants… qui sont à une lieue de terre… Il y a au nord un passage d’un mile à travers lequel on peut faire voile en gardant la montagne de Westminster Hall au sud-est. »

L’Express

Publié dans Notes du passé, Histoire

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