Contes du Sud : Ceux d’en haut…

Publié le par Alain GYRE

 

 

Contes du Sud : Ceux d’en haut…

 

 

 Il y a fort longtemps, si longtemps que la mémoire a du mal à s’en souvenir, Retany, l’entité terrestre, se désolait de ne pas être habitée. Alors que Relagnitse, l’entité céleste, regorgeait de monde. D’en bas, Retany entendait les Célestes jouer, courir, chanter. Et parfois, quand ils se disputaient, Relagnitse se fâchait. Alors Retany pouvait entendre ses grondements menaçants et ses cris de tonnerre, et voir les éclairs de sa fureur, faisant éclater ses enfants en pleurs.

 

Retany vibrait d’un si grand désir, le désir d’avoir des enfants, que ses vibrations créaient autour d’elle un puissant rayon d’attraction. Et un jour, un Céleste aventurier fut happé et parvint sur terre. C’était un être bleu, de l’une des sept couleurs du ciel, et son corps était fait d’air et de lumière. Retany le recréa à son image en lui donnant sa consistance et sa couleur, le marron qu’elle possède en mille nuances. Mais elle ne réussit pas à tout transformer car Relagnitse avait placé au milieu du front de chacun de ses enfants, en les créant, une graine de pouvoir que ceux-ci faisaient grandir par le travail, et au milieu de leur poitrine une boule qu’ils illuminaient par l’amour. La graine alla s’enfouir au fond du crâne du nouveau Terrestre pour conserver son nom de Céleste et son identité première, et la boule lumineuse prit place plus à l’intérieur, derrière une grille osseuse, pour préserver le pouvoir, la couleur bleue et l’identité de l’ancien Céleste.

 

- Un seul enfant peut-il suffire ? se lamentait Retany, augmentant ainsi ses vibrations.

 

Alors d’autres êtres arrivèrent, d’abord le jaune, le rose, puis le blanc, le vert, enfin le rubis et le violet. Réjouie et comblée, Retany procédait chaque fois à la transformation des Célestes. Ainsi, leur corps devenu dense, ils ne pouvaient se mouvoir que sur la terre. Un jour, l’un d’entre eux, le dénommé Manga, nom qu’il s’était donné en écoutant une poussée intérieure, remarqua un arbre dont le tronc était d’une belle couleur et d’allure séduisante. Sans trop penser à ce qu’il allait en faire, il le coupa, le nettoya et l’abandonna. Quelques jours plus tard, Vony survint, trouva le tronc abandonné, le jugea d’une belle couleur et d’allure séduisante, et se mit à enlever l’écorce, afin de laisser voir la couleur encore plus belle que celle-ci cachait. Satisfait de son travail, il partit. Quelques jours après, Mavokely passa. Il trouva le tronc d’une belle couleur et d’allure séduisante, et se mit à le polir. Il s’était écoulé un certain nombre de jours quand Fotsy, à son tour, passa et trouva le tronc bien beau, bien doux et d’allure séduisante. Il le prit et l’examina de plus près. Fabriquant un outil avec une pierre, il se mit à tailler le tronc à sa ressemblance. Seulement, il en rajouta en formant des rondeurs ici et là, à la hauteur de la poitrine, au niveau des hanches, des bras et des mollets. Ravi de son chef-d’oeuvre, il le laissa sur place et partit. Quelques jours s’étaient écoulés quand passa Maitso. Il découvrit la statuette, belle et séduisante. Il la prit, et la trouvant trop petite, se dit : « Je pourrais l’agrandir jusqu’au moins à la hauteur de mes épaules »

 

Il creusa d’abord la terre et allongea la statuette dans le trou qu’il obtint. Le lendemain, il revint, déterra la statue et la lava à l’eau. Elle avait pris la consistance de la terre. Ensuite il l’exposa à l’air. Elle se mit à grandir et à grossir à vue d’oeil. Puis il la passa au feu, afin de lui donner une couleur encore plus belle, celle de l’ébène, la couleur terrestre en puissance. Son oeuvre réussie, il la contempla une dernière fois et s’en fut.

 

Pendant ce temps, en haut, Relagnitse tempêtait : son fils aîné, Masoandro, le soleil, son préféré, lui fit part de son désir de descendre sur la terre chercher ses frères mystérieusement disparus. Des éclairs se mirent à zébrer les hauteurs, le tonnerre à gronder, et la foudre à tomber. Un arbre sur terre fut touché. Passant près de cet arbre, Vola- Mena observait, effaré le feu qui commençait à consumer le végétal. Son attention fut attirée par un corps adossé à l’arbre voisin. Il courut vers lui, constata l’imitation mais, la trouvant réussie, il voulut la sauver et l’installa au fond d’une grotte. Il la veilla un moment et la sachant enfin hors de danger, il la laissa là et partit.

 

Malgré la colère de sa mère, Masoandro descendit sur terre. Sa lumière était telle qu’il attira à lui les sept êtres qui l’habitaient. Regardant au fond de leur coeur, il les reconnut.

- Viens voir la beauté que j’ai mise au jour ! proposa Volomparasy. Elle était nue quand je l’ai trouvée, et j’ai créé des accessoires pour elle.

 

Masoandro et les autres le suivirent et découvrirent la grande et belle statue aux formes gracieuses et rondes, drapée d’un magnifique tissu et parée de beaux bijoux. Avant que sa suite pût réagir, Masoandro, émerveillé par tant de grâce et de beauté, souffla dans sa direction. La statue se mit à cligner des yeux, à bouger et à marcher. Comme elle ressemblait bizarrement à l’instrument que Retany utilisait pour fabriquer leur vêtement, les êtres s’écrièrent à l’unisson : Ampela ! Celle-ci sourit. Le coeur céleste des êtres en battit follement. Dans un même élan, ils se jetèrent vers elle.

 

- Elle est à moi ! émirent sept voix à l’unisson.

- Elle pourrait être à moi aussi, répondit Masoandro fermement. Je lui ai donné la vie. Allons donc voir ma mère en haut, elle saura nous dire. Accrochez-vous à moi.

Masoandro et les sept êtres s’envolèrent au ciel, emportant Ampela avec eux. Cette fois-là, ce fut Retany qui trembla de fureur, s’emportant contre Masoandro dont elle n’avait pas réussi à annihiler l’attraction. Reconnaissant ses enfants de loin, malgré leurs couleurs de terre, Relagnitse bleuit de joie. Mais elle se retint de se manifester en voyant le signe que lui fit Masoandro.

 

- Ô ma mère, je te ramène des êtres de la terre avec lesquels je suis entré en dispute. Chacun veut épouser Ampela, alors que c’est moi qui ai des droits sur elle car je lui ai donné la vie.

 

- Écoutez-moi, décréta alors Relagnitse, toi, Manga, tu as identifié le tronc qui a permis la création d’Ampela, tu es donc son ancêtre. Vony, tu as enlevé l’écorce qui la rendait dure, tu es son guide. Mavokely, tu l’as polie et préparée, tu es son éducateur. Fotsy, tu l’as taillée et lui as donné forme, tu es son père et sa mère. Maitso, tu l’as fait grandir, tu es son frère. Vola-Mena, tu as veillé sur elle et lui as sauvé la vie, tu es son ancêtre gardien. Masoandro, tu lui as donné la vie, tu es son zagnahare, son créateur. Et toi, Volomparasy, qui l’as habillée et parée de bijoux, tu es son époux.

 

Les êtres se rendirent au verdict de Relagnitse. Celle-ci détacha une île de son royaume :

- Cette île est désormais vôtre. Vous y retrouverez tout ce que vous avez vu ici. Protégez-la bien et transmettez les connaissances à vos descendants. Masoandro, votre frère aîné, veillera sur vous d’ici-haut, et quand il sera occupé, c’est votre petite soeur, Volana qui le relaiera. Soyez heureux en ne faisant que le bien, et préservez votre fihavanana.

 

Depuis ce jour, le soleil et la lune se montrent au firmament pour dispenser leur lumière.

 

Un conte est un conte, je décroche les étoiles, vous en ornez le plafond de votre case.

 

 

 

Par Sylvia Mara

(article publié dans no comment magazine n°41 - Juin 2013 ©no comment éditions)

 

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