Famadihana : "La mort est une fête"

Publié le par Alain GYRE

Famadihana : "La mort est une fête"

01/07/12 |  Traditions

 

Famadihana-uneComme chaque année, l’arrivée de l’hiver marque le retour des famadihana, les cérémonies du retournement des morts, à travers le pays. Un moment capital pour les familles, où les défunts intègrent enfin leur statut d’« ancêtres », intercesseurs entre les hommes et les Dieux.

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«Aiza ny zana-drazana ? (Où êtes-vous, enfants de ces reliques ?) », se lamente la famille rassemblée au grand complet, invitant les passants à venir danser devant la porte du tombeau familial. L’orchestre traditionnel composé d’un aponga gasy (caisse claire), d’une grosse caisse et de flûtes en bambou rythme le rituel qui va consister à extraire les linceuls du tombeau pour les exposer au soleil une heure ou deux. Les restes des défunts seront ensuite déposés dans de nouveaux lamba (pièces de soie traditionnelles) et remis dans la tombe. Et le moment sera venu pour les vivants de faire la fête, car la mort n’est pas une expérience aussi traumatisante que cela dans la culture malgache. Les observateurs extérieurs traduisent couramment famadihana par « exhumation » ou « retournement des morts ». Ce qui n’est pas faux en soi, mais pour les Malgaches, cela signifie beaucoup plus que cela. Le famadihana est très exactement le rituel par lequel la dépouille d’un parent atteint le statut de razana, d’ancêtre. « Un moment capital dans la spiritualité malgache, car tous les morts ne deviennent pas automatiquement des razana », explique Hemerson Andrianetrazafy, enseignant chercheur en civilisation à l’Université d’Antananarivo.

 

 

Une étape tellement importante pour les descendants qu’elle se prépare plusieurs années à l’avance. Pour cela, il convient de faire pas mal d’économies, ne serait-ce que pour acheter les porcs et les poulets qui entreront dans le vary be menaka (littéralement riz imbibé de graisse de porc), le plat spécial servi durant les famadihana. « Je compte abattre quatre porcs bien gras et des dizaines de poulets, en plus du riz et de l’alcool », explique Bernard Rakotomanampy qui prévoit d’organiser son famadihana à Ambatolampy les 24 et 25 août. Il y « exhumera » son frère aîné, ses parents ainsi que ses grandsparents. « L’hiver arrive et leur lamba est sûrement déchiré. Je dois m’occuper d’eux pour qu’ils ne prennent pas froid, comme eux se sont occupés de moi de leur vivant », préciset- il. Pour les Malgaches, la mort n’est pas une dissolution, un anéantissement, mais une étape conduisant au statut d’ancêtre. « Tsy maty fa lasan-ko razana », dit-on, « Ils vivent mais sous une autre forme », servant d’intermédiaire entre les vivants et les zanahary, les divinités.

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Famadihana

 

Le famadihana est donc l’occasion d’une immense fête visant à resserrer lien familial en mémoire des défunts. Contrairement aux autres événements familiaux, mariages, baptêmes, circoncisions, tout le monde se doit d’être présent, quitte à devoir traverser l’île ou prendre un avion depuis l’étranger. Tous les parents (havana), même ceux perdus de vue depuis des lustres, seront là. Tous sans exception. Et pour cause, les famadihana ne s’organisent en moyenne que tous les sept ans au sein d’une famille. « Ce serait un grand manque de respect envers les défunts que de ne pas y aller, et comme une rupture du lien de parenté Et puis c’est aussi l’occasion de croiser de nouveaux parents, des gendres, des brus, des cousins, de constater que la famille s’agrandit d’année en année malgré les disparitions », explique Bernard Rakotomanampy. Bref que la vie continue, si elle a jamais cessé.

 

 

 

Njato Georges

 

(article publié dans no comment magazine n°30 - Juillet 2012 ©no comment éditions)

 

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