Faralahy, le riche héritier

Publié le par Alain GYRE

 

FARALAHY, le riche héritier (1).

(Antambahoaka)

 

Il y avait, dit-on, dans un village, un homme riche, dont le fils unique nommé Faralahy, était en âge d'être marié.

Les parents du jeune homme essayèrent, sans aucun succès, de lui trouver femme dans leur village : aucune des jeunes filles ne lui plaisait.

Pour échapper aux remontrances incessantes de ses parents, Faralahy quitta le village et se mit à vagabonder.

Il n'avait que des lentilles à manger, mais il préférait cette nourriture commune et cette vie nomade, en restant célibataire, à la douce existence que lui auraient faite ses parents s'il avait voulu se marier.

Un jour, Dieu (2) lui donna une épouse : Une fleur tomba du ciel et il la reçut dans son lamba (3). Il la mit ensuite dans une boîte et cette fleur se changea en un corps; puis elle devint une femme merveilleusement belle qu'il épousa.

Ses parents qui pleuraient son absence, faisaient rechercher Faralahy.

On le retrouva et le ramena à la maison paternelle. Mais il était devenu pâle, maigre, chétif. Cependant les soins dont il était l'objet ne tardèrent pas à le ramener à la santé. Les projets matrimoniaux de ses parents lui occasionnèrent bientôt de nouveaux ennuis.

On fit défiler devant lui toutes les jeunes filles du village, parées de leurs plus beaux atours ; mais aucune d'elles ne toucha le cœur de Faralahy.

A bout de forces, il révéla à ses parents qu'il était déjà marié et que sa femme lui avait été donnée par Zanahary (2).

« Qu'on prévienne nos parents et mes esclaves, ajouta-t-il enfin, que mon mariage va se célébrer demain, et qu'on tuera un bœuf gras pour le repas de noces (4). »

Les gens du village demandaient à voir la fiancée de Faralahy; mais celui-ci ne voulut pas la leur montrer avant la fête. Il prit une de ses servantes et l'amena chez lui pour qu'elle préparât le bain de sa femme. Puis il ouvrit la boîte dans laquelle son épouse venue de Dieu était enfermée, et elle apparut aussitôt merveilleusement belle et blanche comme la neige.

L'esclave défaillit à la vue de sa maîtresse et elle s'empressa de faire part de ce qu'elle avait vu aux parents de son maître.

Ceux-ci accoururent voir leur bru.

Au même instant un arc-en-ciel (5) les entoura.

Le mariage eut lieu en grande pompe. Tous les gens du village y assistaient. On tua un bœuf gras et on accomplit toutes les formalités usitées en pareille circonstance.

Le lendemain, les parents appelèrent toutes les jeunes filles du village pour venir causer et jouer avec la femme de Faralahy, dans sa nouvelle case.

On s'amusa beaucoup. Les femmes dansèrent au son de la musique et du grand tambour, et on chanta les plus jolis airs connus. Faralahy et ses amis étaient allés à la campagne, amenant avec eux des musiciens et des chanteurs.

Pendant l'absence du mari, la jeune femme, sur les instances de ses nouvelles amies, alla se baigner dans la rivière. Pendant qu'elle nageait, ses compagnes la plongèrent dans l'eau, et s'enfuirent, persuadées que leur victime était morte.

Mais une paysanne qui se trouvait sur l'autre rive, voyant la femme disparaître sous l'eau, se précipita à son secours et la ramena chez elle où elle lui donna tous les soins qu'exigeait son état.

Lorsque Faralahy et ses amis revinrent chez eux, ils passèrent devant la case de la paysanne qui leur donna de l'eau à boire pour étancher leur soif.

Faralahy voyant quelqu'un couché, enveloppé dans un lamba, demanda qui dormait là :

« C'est un voyageur fatigué qui se repose chez moi, répondit la paysanne. »

Les jeunes gens continuèrent ensuite leur route.

Lorsque Faralahy entra chez lui, il vit sa case vide. Il courut chez ses parents chercher sa femme; mais elle ne s'y trouvait pas. Ceux-ci lui dirent qu'elle était allée se baigner avec ses amies et n'était pas revenue avec elles.

Faralahy désolé de ne plus retrouver sa chère femme, réunit ses esclaves et partit avec eux à sa recherche.

Ils rencontrèrent la paysanne qui leur raconta que la femme de Faralahy était venue se baigner dans la rivière avec les jeunes filles de son village, et que celles-ci avaient essayé de la noyer, fort heureusement, elle se trouvait sur l'autre rive et avait pu venir au secours de la jeune femme :

« Elle est actuellement .dans ma case, ajouta-t-elle, où vous l'avez vue, dormant enveloppée d'un lamba. C'est à vous-même que j'ai répondu que c'était un voyageur fatigué qui se reposait chez moi. »

Faralahy remercia la paysanne et s'empressa d'aller rejoindre sa femme, avec laquelle il retourna dans son village.

Il réunit ensuite toutes les jeunes filles et leur reprocha publiquement leur conduite.

Puis il partit avec sa femme et ses esclaves et alla s'installer ailleurs où il n'eut plus rien à redouter et put vivre heureux et tranquille.


 

(1) Le texte de ce conte m'a été dicté par un Antambahoaka de Mananjary.

(2) En Malgache Zanahary, celui qui crée. On le désigne également par le mot Andriamanitra, littéralement, le noble odoriférant.

(3) Pièce d'étoffe dans laquelle les Malgaches se drapent. Il leur rend les mêmes services que le poncho aux Mexicains. L'étoffe du lamba est soit de soie, soit de soie mélangée avec du fil ou une fibre indigène; soit de chanvre, laine ou coton.

(4) Noces et funérailles donnent lieu aux mêmes orgies de viande de bœuf et de rhum dont les Malgaches sont si friands. Tout bœuf tué, toute barrique de rhum entamée, doivent être mangé jusqu'au dernier morceau et bue jusqu'à la dernière goutte. Ces repas causent quelquefois des indigestions telles que les convives en perdent la vie.

(5) En Malgache : Autsy ben’Andriamanitra, la grande hache de Dieu.

 

Contes populaires malgaches

Recueillis, traduits et annotés par

Gabriel FERRAND

Editeur : E. Leroux (Paris) 1893

 



 

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