Kepeke l'infirme.

Kepeke l’infirme.
Un couple avait beaucoup d’enfants. Mais le bonheur parfait n’est pas de ce monde : l’une de leurs fille était infirme. Elle ne pouvait pas marcher et se traînait péniblement sur quatre membres. C’était Kepeke l’infirme.
L’infirmité pourtant ne l’empêcha pas de grandir, de sorte que bien des années plus tard, elle devint une jeune femme en âge de se marier. Elle s’interrogeait sur son destin et se morfondait.
Un jour, elle s’adressa à son père :
- Père, je ne suis utile à rien. Construis-moi une hutte en pleine forêt.
Le père fit la volonté de sa fille : il construisit une hutte solide au milieu des arbres. Puis Kepeke l’infirme y fut transportée avec tous les ustensiles de ménage et de cuisine dont elle pouvait avoir besoin.
Un jour, Rezatovo, qui était d’un autre village, poursuivit une pintade dans la forêt. Le gibier s’envola et se posa tout près de Kepeke qui cueillait des brèdes près de sa demeure. Elle attrapa sans difficulté la pintade essoufflée et vite, rampa vers sa maison.
En pleine course, le chasseur fut surpris de trouver cette hutte solitaire, si loin du village. Il s’en approcha et se planta devant la porte : à l’intérieur lui apparut une jeune femme infirme.
- Tu n’as pas vu se poser ici une pintade, lui demande Rezatovo.
- La voici… répondit Kepeke brandissant le gibier.
- Je te la donne, dit Rezatovo. Mais que fais-tu ici, seule, au cœur de la forêt ?
- C’est ma maison, expliqua Kepeke. Entre.
Rezatovo s’introduisit dans la hutte. Aussitôt, il ressentit de l’amour et eut envie d’épouser la jeune infirme.
- Je voudrais t’épouser, déclara-t-il.
- Comment pourrais-tu te marier avec l’infirme que je suis ? Je ne peux pas marcher ni servir un époux.
- Je le voudrais malgré tout, insista le chasseur.
- D’accord, dit Kepeke. Seulement, sache que je ne suis pas une femme comme les autres : je suis dispensée de tous travaux pénibles.
Dès ce jour, Rezatovo obtint les faveurs de la jeune infirme. Quel mariage singulier, contracté dans la forêt, sans consentement des parents, ni dot, ni célébration.
Rezatovo rendit souvent visite à sa nouvelle épouse. Il ne l-oubliait jamais quand un bœuf était abattu au village. Elle recevait sa part de viande comme ses autres femmes, qui s’étonnaient :
- Qu’est-ce qui donc attire Rezatovo dans cette forêt ?
Bientôt, Kepeke l’infirme attendit un enfant du chasseur sans que ses parents en fussent informés. Elle accoucha d’un garçon. Comme l’usage le voulait, il revenait à Rezatovo de s’occuper seul de la mère et du nouveau-né qui garderaient la natte des mois durant. De surcroît, la mère devait être gavée de nourriture, gorgée de tisane traditionnelle : c’était le fameux « taia ». le chasseur passait la plupart de son temps au chevet de Kepeke l’infirme et de son enfant.
Après le « taia », Rezatovo put regagner son village, mais continua de leur rendre de fréquentes visites.
Un jour, il apparut devant la porte, salua sa femme et pénétra dans la hutte, heureux de revoir le beau bébé au visage rayonnant.
- Je vais aux environs, annonça Kepeke, peux-tu garder l’enfant ?
Le mati accepta. Pourtant, à peine Kepeke avait-elle disparu dans les bois qu’il transporta le bébé au grenier. Puis il se cacha lui-même.
A son retour, Kepeke s’aperçut que Rezatovo n’était pas là alors que le bébé pleurait au grnier.
- Rezatovo est un méchant homme, se dit Kepeke.
Elle tentait en vain de se redresser afin de récupérer son enfant. Elle fit tant d’efforts que soudain ses membres se déplièrent avec des craquements spectaculaires. La voilà debout sur ses pieds. Elle descendit son enfant du grenier.
Rezatovo surgit et la rancœur de sa femme fit place à la joie. Grâce à lui, elle était devenue une femme comme une autre, une femme capable de se lever, de marcher, de servir son mari, de soigner son enfant. Grâce à lui, elle n’était plus Kepeke l’infirme.
Il fallait mettre fin à sa solitude et d’abord, présenter Rezatovo aux siens. La jeune femme raconta sa guérison et comment l’astuce de Rezatovo l’avait délivrée de la souffrance. La famille de Kepeke vit en Rezatovo plus qu’un mari : un donneur de vie. Leur union reçu le consentement familial.
Contes et légendes Tandroy
SAMBO adaptation Olivier BLEYS
L’Harmattan