Korintsambolamena et Korintsankarea.

Publié le par Alain GYRE

 

KORINTSAMBOLAMENA ET KORINTSANKAREA.

 

Deux sœurs, Korintsambolamena et Korintsankarea , allèrent chercher du « tamboro » (1) de l’autre côté d’une rivière. Mais, quand elles furent parvenues à la rive, elles s’aperçurent que les eaux avaient monté à tel point qu’il n’existait aucun endroit guéable.

-          Il faut rebrousser chemin, dit Korintsankarea.

-          Non, il faut prier Voaemana  le caïman rouge de nous faire traverser, répondit sa sœur aînée Korintsambolamena.

« Faites-nous traverser, Voaemena ! Faites-nous traverser, Voaemena !, chantèrent-elles.

Aussitôt, le reptile monta sur le rivage. Elles prirent place sur son dos et la traversée commença. L’autre rive fut atteinte sans incident.

En cueillant du « tamboro », Korintsankera dit à sa sœur :

-          Voaemena sent une mauvaise graisse bovine.

-          C’est imprudent de dire ça. Tais-toi jusqu’à ce que nous atteignons l’autre rive. S’il t’entend, Voaemene se fâchera contre nous et nous fera du mal.

Mais Voaemene avait tout entendu par l’entremise d’une mouche qui, posée sur son épaule, lui rapporta chaque parole des deux sœurs.

Après avoir cueilli du « tamboro », Korintsambolamena et Korintsankarea prirent le chemin du retour. Sur la rive, elles chantèrent :

« Faites-nous traverser, Voaemena ! Faites-nous traverser, Voaemena !

Aussitôt, Voaemena s’approcha du rivage.

Je vais faire traverser Korintsambolamena avant Korintsankarea, dit-il.

-          Fais-la traverser  avant moi, marchanda Korintsambolamena.

-          Alors restez là où vous êtes ! s’emporta le caïman. Je ne reviendrai plus sur ma décision.

Contraintes d’accepter, les sœurs se soumirent à la condition posée par le caïman. Korintsambolamena s’assit la première sur son dos et, un moment plus tard, la voici sur l’autre rive. Le caïman rejoignit vite Korintsankarea et lui dit de la chevaucher. Mais, au milieu de la traversée, Voaemena s’arrêta et s’immergea petit à petit. Assistant à ce spectacle, Korintsambolamena inquiète appela le Caïman :

-          Voamena, le ventre de ma sœur est mouillé.

-          Dans un instant, ses seins vont l’être, répondit le caïman.

-          Voamena, les seins de ma sœur sont mouillés.

-          Dans un instant, son cou va l’être.

-          Voamena, le cou de ma sœur est mouillé.

-          Dans un instant, sa tête va l’être.

-          Voamena, la tête de ma sœur est mouillée.

-          Dans instant, elles disparaîtra pour jamais.

Après un instant, la tête de Korintsankarea s’enfonça sous l’eau. Voaemena l’emmena dans sa tanière et hop ! l’avala.

Peu de temps après, un faucon plana dans les airs. Korintsambolamena chanta :

« Est-ce mon aïeul, faucon là-haut ?

Est-ce mon aïeul, faucon ?

Dites à mes parents :

Korintsambolamena est sur la rive.

Korintsankarea sous l’eau. »

-          Qui me reproche d’être un voleur de poussins, sinon toi ?dit le faucon.

Peu de temps après, unh corbeau plana dans les airs. Korintsambolamena chanta :

« Est-ce mon aïeul, corbeau là-haut ?

Est-ce mon aïeul, corbeau ?

Dites à mes parents :

Korintsambolamena est sur la rive.

Korintsankarea sous l’eau. »

-          Qui me reproche d’être un voleur d’arachides, si ce n’est toi ? dit le corbeau.

Le « treotreo » (2) succéda au corbeau. Korintsambolamena chanta :

 

« Est-ce mon aïeul, treo là-haut ?

Est-ce mon aïeul, treo ?

Dites à mes parents :

Korintsambolamena est sur la rive.

Korintsankarea sous l’eau. »

Treo l’oiseau messager, qui n’avait rien contre la jeune fille, prit la direction de son village pour avertir ses parents. Il se posa sur un arbre aux alentours du village et chanta :

« Treo ! Treo ! Treo !

Korintsambolamena est sur la rive.

Korintsankarea sous l’eau. »

Seule Tretreke l’entendit. Elle dit à la maisonnée :

-          Un être porteur de message est là. J’entends son chant.

-          Tretreke veut manger des tripes, donnons-lui en ! répondit la maisonnée incrédule.

Mais le chant de l’oiseau messager retentit de nouveau.

Cette fois, la maisonnée sortit et tendit l’oreille. Tretreke avait raison. Un être porteur de message était là. Hélas ! Il donnait de mauvaises nouvelles.

Des cris retentissants se firent entendre et des voisins accoururent vers le village, délaissant les travaux des champs. On les mit aussitôt au courant du message apporté par l’oiseau et ce fut la ruée vers la rivière. Le messager vola d’arbre en arbre pour guider les proches de Korintsambolamena et de Korintsankarea. A leur arrivée, ils trouvèrent Korintsambolamena en larmes, de bout sur la rive. Elle leur relata le drame dont avait été victime sa sœur.

-          Comment capturer Voaemena ? se demanda-t-on.

Un homme s’introduisit au milieu de la foule et suggéra :

-          Nous allons tuer un bœuf. Voaemena raffole du poumon de bœuf. Nous le capturerons ainsi.

Deux jeunes gens furent envoyés pour chercher un bœuf au pâturage. A leur retour, les hommes abattirent le zébu. Le poumon accroché sur un hameçon géant, fixé au bout d’une corde solide, fut plongé dans l’au. La pêche commença. Il n’y eut pas beaucoup à attendre. Le caïman se jeta aussitôt sur l’appât, et l’avala. Les hommes se mirent à tirer sur la corde de toutes leurs forces. L’hameçon s’enfonçait dans l’estomac du caïman. Plus il se débattait, plus le crochet de fer prenait racine. Enfin, les hommes parvinrent à faire monter le reptile sur la rive. Il fut éventré à l’aide d’un couteau tranchant. Korintsankarea sortit indemne de ses entrailles.

La foule regagna le village, heureuse d’avoir repêché leur fille saine et sauve. Aussitôt, le « havoria », une réjouissance villageoise, fut organisé pour célébrer les retrouvailles.

 

(1)   Plante médicinale traditionnelle. Leurs feuilles, mâchées, prémunissent contre la carie dentaire.

(2)   Genre d’oiseau passereau.

 

 

 

SAMBO

Adaptation Olivier BLEYS

Contes et légendes Tandroy

L’Harmattan

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