L'histoire à travers les rues d'Antananarivo
L’histoire à travers les rues d’Antananarivo
Jusque vers la seconde moitié des années 1970, la plupart des rues et établissements scolaires du secondaire ont porté des noms de personnalités françaises que les générations successives connaissent peu ou prou. Hormis évidemment Le Myre de Vilers, premier résident général, Gallieni, premier gouverneur général et grand pacificateur, et Jules Ferry qui n’a jamais mis les pieds dans notre pays, tous trois ayant donné leurs noms à des établissements réputés ! Nous n’insisterons pas sur l’avenue Fallières, devenue avenue de la Libération (française) après la Seconde guerre mondiale, puis enfin l’avenue de l’Indépendance (malgache).
Commençons par la rue Bompard. Il s’agit du résident-général qui succède à Le Myre de Vilers en 1889. « Manquant de tact et de savoir-faire, il eut la maladresse de reconnaître le protectorat français sur Madagascar ; protectorat habilement établi en fait, mais non encore ratifié » (Régis Rajemisa-Raolison). Ce que voyant, le Premier ministre Rainilaiarivony, fin diplomate, « se voyant nettement berné par Bompard », refuse de voir en lui son ministre des Affaires étrangères, selon les termes du traité de 1885. En 1892, Bompard doit quitter l’île laissant l’intérim à Lacoste.
En tant qu’intérimaire, celui-ci ne reste pas longtemps, laissant vite la place à Larrouy. Rainilaiarivony a, à l’égard de Lacoste, des procédés très courtois, mais sur les questions épineuses du traité de 1885, il reste toutefois intraitable.
Larrouy, nom tout à fait inhabituel pour le commun des Malgaches, arrive à Antananarivo en 1892. Les relations franco-hova vont de mal en pis sous son consulat : la France a déjà très net son projet de conquérir Madagascar et, ayant eu le temps pour le faire mûrir, « elle allait le porter sur le plan de la réalisation ». La seconde guerre franco-malgache est déclarée le 14 octobre 1894 par Le Myre de Vilers, porteur d’un ultimatum.
Nous passerons outre la période Gallieni (septembre 1896-mai 1905). Son successeur, Victor Augagneur (juin 1905-novembre 1909), député-médecin, est le premier gouverneur général civil. Il s’efforce de remédier à ce qu’il y a de trop rigide dans la situation consécutive à l’annexion. Il supprime les derniers cercles militaires qui commettent des abus regrettables, ainsi que les offices du travail fournissant de la main-d’œuvre gratuite. Au point de vue de l’enseignement, Augagneur encourage les jeunes Malgaches désireux de s’instruire, notamment dans la section médicale. C’est aussi lui qui règlemente la séparation de l’enseignement et des cultes.
Principaux faits sous son administration : début de la culture de vanille dans la région d’Antalaha, découverte du gisement de la Sakoa, équipement en phares des côtes de Madagascar, suppression de toute subvention
à l’enseignement privé, début de l’enseignement secondaire public, décret organique créant la Justice indigène, accession des Malgaches au droit de citoyen français.
Arrive Albert Picquié (janvier 1910-août 1914), inspecteur général des Colonies. Il s’efforce aussi d’améliorer les conditions d’existence des Malgaches en développant l’outillage économique de l’île. C’est sous son administration que commencent les travaux de la ligne de chemin de fer Tananarive-Antsirabe (TA), et achevés ceux de la ligne Tananarive-côte Est (9 mars 1913).
Principal fait sous son administration : annexion des Comores par la loi du 12 juillet 1912.
Hubert Garbit le remplace. Polytechnicien, ancien officier d’artillerie, il est nommé à deux reprises à Madagascar : d’août 1914 à septembre 1917, et de mai 1920 à mars 1928. Pendant sa première administration qui coïncide avec la Grande guerre, il procure militaires, travailleurs et concours actifs à la Métropole. Sur place, il entreprend la construction de la ligne ferroviaire Moramanga-lac Alaotra (MLA) en septembre 1914.
Durant son séjour qui voit l’achèvement de la MLA (15 mars 1923) et de la TA (15 octobre 1923), il crée la Station thermale de la ville d’Eaux et la Station de TSF d’Amboniloha. « Mais le plus grand mérite qu’on lui attribue, fut d’avoir donné corps à l’essai de représentations autochtones dans Délégations économiques et financières, assemblées consultées sur les budgets mais sans pouvoir délibératif ». Elles ne devront être consacrées que plus tard, par un décret du 7 mai 1924. « Dans ces délégations, il est vrai, les représentants malgaches s’assemblaient à part ». Elles feront plus tard place au Conseil représentatif, puis à l’Assemblée représentative.
Principaux faits survenus sous son administration : le mouvement Vy-Vato-Sakelika en 1915 et l’intensification de la culture du tabac à partir de 1920.
Pela Ravalitera
Mardi 24 juillet 2012
L’Express