Conte: L'intelligence de Trimobe

L’intelligence de Trimobe.(1)
Qui eût cru que Trimobe eut tant d’intelligence ? Disons la vérité : « l’habit ne fait pas le moine ». vous aurez beau avancer vos thèses, je soutiens que les lignes du visage, la conformité du corps n’ont rien à voir avec l’esprit d’un individu. Témoin, Esope qu’on disait si difforme ; témoin, ce Trimobe, l’être le plus grotesque que Dieu ait mis sur notre globe. Trimobe était plus difforme que le caméléon, plus incomplet que les crocodiles ; le seigneur devait être bien fatigué quand il façonna ce dernier des êtres de sa création ! Il le fit malgré tout et il y envoya son souffle. Trimobe fut !
Du temps des premiers seigneurs des Hauts-Plateaux, Trimobe était, dit-on, fort réputé pour avoir procuré des enfants aux ménages stériles. Après dix années de mariage, un roi n’avait pas encore pu faire d’enfants.il consulta donc Trimobe qui lui fit administrer les talismans appropriés. Mais la seule condition fut que le premier né lui serait remis pour qu’il le mangeât. Neuf mois ont passé, un garçon est né.
Oh ! se dit le roi, je mettrai à la place de mon fils un petit esclave qui devait avoir le même portrait que moi. Je le ferai porter à Trimobe. Un enfant fut donc emmené au lieu du rendez-vous. Mais Trimobe déclara qu’il voulait plutôt voir tous les nouveau-nés du royaume. Cette nouvelle décision, bien qu’elle éveillât beaucoup de soupçons, fut exécutée immédiatement. Deux cents enfants furent présentés, y compris le fils du roi, qu’on habilla pauvrement et qu’on fit porter par une esclave dont l’enfant venait à peine de mourir. Chaque bébé fut examiné par Trimobe, et il reconnut aussitôt le fils du roi, par son regard, sa respiration, le battement de son cœur. Puis il s »expliqua : « Il y a une grande différence entre le comportement d’un enfant dont les parents ont tout ce qu’il faut et celui dont les pères et mères ont toujours des soucis d’argent ». après ces révélations, Trimobe dit : « Ramène cet enfant à son père ; dis au roi de ne plus me tromper ; s’il veut que son fils vive heureux, qu’il s’intéresse aussi aux autres enfants, aux autres mères… »
Depuis ce temps, dit-on, datent les premières crèches de Madagascar.
(1) L’intelligence de Trimobe : Ce conte doit intéresser les étudiants en médecine et les criminalistes.
Contes et légendes de Madagascar
RABEARISON
Administrateur Civil