La grosse anguille et la petite anguille

Publié le par Alain GYRE

 

La grosse anguille et la petite anguille (1).
(Antambahoaka)

Une petite anguille en voyant une grosse lui dit : «Comment as-tu pu arriver à une grosseur pareille?»

« En ne mangeant pas, répondit l'autre, de fer enveloppé de viande (2), et en n'entrant pas dans la maison froide (3). Je me suis aussi toujours tenue éloignée des feux de nuit, de peur d'être transpercée par la fouine des pêcheurs. Si tu veux vieillir et devenir aussi grosse que je le suis, tu n'as qu'à suivre la même ligne de conduite. »

« Tu as raison, répondit la petit anguille, bien que dans son for intérieur, elle n'ajoutât aucune foi à cette explication. »

A peine s'étaient-elles quittées, que la petite anguille vit un hameçon. Une si petite chose ne saurait me faire mourir, se dit elle; et elle l'avala.

Mais le hameçon avait pénétré dans sa bouche, et elle n'arrivait pas à l'en décrocher.

La grosse anguille revenant sur ces pas, elle lui demanda conseil pour sortir de cette situation difficile, en s'excusant de n'avoir pas tenu, compte de ses avis :

« Fais la morte, lui dit la grosse anguille, et peut-être pourras tu te sauver. »

Le pêcheur arriva sur ces entrefaites ; il tire sa ligne, sort l'hameçon de la bouche du poisson et croyant qu'il était déjà mort, le pose sur la berge. Aussitôt la petite anguille regagne l'eau saine et sauve.

Peu de temps après, oublieuse de son aventure précédente, la jeune anguille entre dans
une nasse. Lorsque le pêcheur vint retirer sa nasse de l'eau, elle fit encore la morte, et put de nouveau s'échapper grâce à ce stratagème, qu'elle croyait devoir toujours réussir.

Une autre fois, un homme péchait à la torche en promenant la flamme sur l'eau. La jeune anguille s'approcha de la clarté et le pêcheur la tua d'un coup de fouine. Elle mourut pour n'avoir pas suivi les conseils de la grosse anguille.



(1) Ce conte m'a été dicté par un Antambahoaka de Mananjary .

(2) Le hameçon.

(3) Les nasses qui se trouvent dans les rivières et un séjour prolongé, sans pouvoir remonter à la surface, refroidit tout le corps

 

 

Contes populaires malgaches

Recueillis, traduits et annotés par

Gabriel FERRAND

Editeur : E. Leroux (Paris) 1893

 

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