La malédiction, le pire des châtiments.

Publié le par Alain GYRE

La malédiction, le pire des châtiments

Laisseras-tu un parent (havana) travailler sans l'aider », « N'êtes-vous pas parents (mpihavana) pour vous disputer de la sorte ? »
« Seraient-ils tes ennemis pour que tu ne partages pas avec eux ce que tu manges »
À partir de la notion globale du terme « havana » (consanguins, parents au sens large), les valeurs traditionnelles sont transmises à la jeune fille- comme au jeune garçon- dans la société zafimaniry, dans le cadre de son éducation. Et « à la suite d'un acte répréhensible qu'elle commet, il suffit de lui faire entendre le mot havana pour qu'elle se rende compte de son tort » (Noro Raminisoa, Mémoire présenté à la Sorbonne, octobre 1970).
Si l'éducation est sévère pour les jeunes en pays zafimaniry par le rappel constant des devoirs vis-à-vis des parents, les punitions corporelles sont interdites par la coutume. À ce sujet, le grand roi merina Andrianampoinimerina défend de frapper les enfants dans un de ses grands discours.
« Sachez- vous qui tuez des bœufs sur la place du marché pour en débiter la viande- que les enfants peuvent prendre des menus morceaux; ne vous fâchez pas contre eux et ne les frappez pas, vous encourrez la peine de mort ».
En fait, le châtiment le plus redouté par l'enfant (fille ou garçon) est la malédiction d'un père, tel que c'est explicité dans un proverbe célèbre: « La malédiction d'un père est comme une ruade de taureau: si elle vous atteint, vous en mourrez; si elle ne vous touche pas, vous en perdrez la tête (de frayeur) ».
Si un jeune persiste à négliger les réprimandes paternelles, on le remet aux mains des anciens du village qui se réunissent pour examiner son cas. S'il récidive, on le rejette de la communauté. Si au bout d'une certaine période, le père juge que son fils ou sa fille est récalcitrant, et il le (la) désavoue devant la famille après avoir versé au fokonolona la piastre entière et non découpée (vola tsy vaky) en s'adressant à son enfant.
« Désormais, tu ne seras plus mon fils (ou ma fille) parce que tu me déshonores par le mal que tu commets dans ce village où j'habite (...) Tu ne me toucheras plus et même à ma mort, tes épaules ne me porteront pas jusqu'à ma tombe, tes larmes ne couleront pas pour moi ».
Et il n'y a pire disgrâce que le rejet paternel car le jeune n'aura plus droit au tombeau ancestral et ne jouira plus du patrimoine familial. Il n'a plus qu'une alternative quel que soit son âge: soit il quitte définitivement le village, soit il va habiter chez l'un de ses oncles, maternels ou paternels.
Pourtant, il sera toujours observé par le fokonolona. Et il suffit qu'il fasse un autre acte répréhensible, il sera l'objet d'un rejet hors du territoire (raoka). « Il est indéniable que cela présente une valeur éducative, obligeant les jeunes à surveiller leurs actes et à mesurer leurs paroles ».
Concernant la jeune fille en particulier, l'éducation « correcte » lui dispense les premières qualités de la mère de famille, prouvées par « un bon partage du repas », le « sens de l'équité et de la mesure » qui sont nécessaires à l'équilibre du ménage.
« Le partage des mets est un moment solennel. » Assise sur une natte, elle pose devant elle les assiettes des convives où elle doit mettre des parts proportionnées à l'appétit habituel de chacun. Enlever le contenu d'une assiette pour l’ajouter à une autre serait inconvenant et surtout trahirait sa partialité, « symbole d'absence de vertu ».
Avant le mariage, les parents de la jeune fille se font un honneur d'inviter ceux du fiancé à des repas familiaux. Ce sont des occasions pour la jeune promise, entraînée à cette tâche dès l'annonce des fiançailles, de distribuer les mets devant sa future belle-famille. « Une maladresse de sa part peut entraîner la rupture des fiançailles ». Et la rumeur se répandra dans tout le clan que ses parents ont une fille peu apte à devenir une bonne mère de famille. De quoi faire fuir tous les prétendants et surtout leurs parents.
Par ailleurs, la promiscuité des membres de la famille vivant dans une même maison et parfois se partageant la même pièce, éveille chez les jeunes les désirs sexuels. Ainsi la jeune fille, autant que les autres « a ses expériences sexuelles et aura plus de chances de devenir épouse définitive si elle avait fait preuve de sa fécondité ».
La chasteté avant le mariage est une notion nouvellement introduite avec le christianisme.

Pela Ravalitera

Vendredi 16 mars 2012

 

Publié dans Coutumes

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