Conte: Le boeuf sauvage qui voit son image dans l'eau
Le bœuf sauvage qui voit son image dans l’eau (1).
(Antambahoaka)

Un bœuf sauvage sans bosse, de grande taille, aux longues cornes, buvait, un jour, dans une source transparente. Lorsqu'il vit son image qui se reflétait dans l'eau :
« Eh! dit-il joyeux, quelle jolie tête je possède! Quelles cornes fines, et comme elles se croisent bien! Qu'elles sont belles et bien faites ! Si tout mon corps leur ressemblait, je n'aurais pas besoin de me retourner pour surveiller mon train de derrière. Cependant mes joues et mes dents me font un peu honte, quand un homme parle de moi, il dit : il a de jolis pieds; mais je pense, au contraire, que mes pieds sont un défaut pour mon corps. J'aimerais mieux ne pas en avoir. »
Quand le bœuf eut bien contemplé ses formes, il entendit tout à coup un bruit dénonçant l'arrivée de chasseurs accompagnés de lévriers.
Ceux-ci lui donnèrent la chasse dès qu'ils le virent. Il se mit à fuir aussi vite qu'il put. Il rencontra un bouquet d'arbres et ses cornes s'embarrassèrent dans les branches. Ce qui était l'objet de son orgueil fut cause de sa perte.
Ne pouvant retirer ses cornes des branches d'arbres où elles s'étaient accrochées, il fut attrapé par les lévriers. Quand il fut mort il dit :
« Hélas! mes pieds que je dédaignais auraient pu me sauver, tandis que mes cornes dont j'étais si fier ont causé ma mort, en m'empêchant d'échapper à mes ennemis (2). »
(1) Cettefable m'a été racontée par un Antambahoaka de Mananjary
(2) On peut trouver à bon droit étonnant que le bœuf n'exprime ses regrets qu'après sa mort. La légende le veut ainsi. Les paroles posthumes des héros des contes malgaches ne sont pas une des moindres particularités du Folklore de la grande île africaine.
Contes populaires malgaches
Recueillis, traduits et annotés par
Gabriel FERRAND
Editeur : E. Leroux (Paris) 1893