Conte: Le chant des oiseaux

Le Chant des Oiseaux.
Voici une histoire invraisemblable, quoique vraie : celle d’un vieillard d’Ambalavelona. Teta était mort, croyait-on, pendant deux jours et deux nuits ; il avait vu Jéhovah. Il avait vu Saint-Pierre avec ses clefs et son grand livre (1). Il avait vu tous les anciens amis, morts fort longtemps avant lui, qui étaient accourus pour l’accueillir. Tout était édénique là-haut. Mais au fait une erreur s’était glissée dans la rédaction de l’arrêt de convocation (2) : Tota était appelé, et ce fut Teta qui arriva. Teta devait donc abandonner les délices, la vie douce, les plaisirs faciles, et rejoindre les hommes de la terre si méchants et si corrompus. En échange du bonheur perdu, Dieu lui accorda une faveur spéciale, celle de pouvoir converser avec les oiseaux. Donc, Teta revint sur la terre plus gai, plus vaillant qu’auparavant.
Un jour, sa femme pilait du riz à l’ombre d’un manguier. Teta vint se reposer à côté d’elle. Un oiseau était dans les branches, qui chantait on ne savait quoi ; mais Teta appréciait sa chanson de tout cœur. C’était le petit Soyer (3) qui répandait ainsi cette petite mélodie si douce aux oreilles, si agréable et si pure, mais dont le sens était in compréhensible pour le genre humain. Le mari se pâma donc de rire – la grâce était avec lui. – Sa femme s’en trouva vexée et demanda des éclaircissements. L’homme ne répondit pas, et la colère de sa femme grandit.
- Que t’a-t-il dit ? insista la femme.
- C’est peu de chose, mais c’est plaisant, répondit l’homme toujours souriant.
La femme jeta le pilon, abandonna le riz, rentra dans la maison, rangea la moustiquaire dans la soubique ; le mariage était rompu. Teta affolé dut expliquer le sens du cri des oiseaux. Il avait donc négligé les recommandations de Dieu, et il en devint muet.
Depuis ce temps, dit-on, les Tsimihety n’ont plus cherché à traduire les chants des oiseaux.
Ils ont tort.
(1) Jéhovah, Saint-Pierre, grand livre : tout cela prouve que cette légende est d’invention récente, depuis l’introduction du christianisme.
(2) Une erreur. – de l’arrêt de convocation : Les Tsimihety admettent difficilement l’infaillibilité de Dieu. Toutefois, depuis quelques temps, probablement sous l’influence des curés, une mentalité nouvelle s’est traduite dans une maxime célèbre « Olombelona tsy diso an-danitra, fa diso ambonin’ny tany », pour démontrer que l’erreur existe seulement sur la terre.
(3) Soey : c’est un oiseau de l’ordre des passereaux.
Contes et légendes de Madagascar
RABEARISON
Administrateur Civil