Conte: Le dauphin.

Publié le par Alain GYRE

 

Le dauphin (1).

(Sainte-Marie de Madagascar)

Légende

 

Il y avait une fois un pêcheur qui aborda dans une île où il n'y avait que des femmes.

Une vieille le fit entrer dans sa case et le garda.

Les autres eurent vent de la chose et vinrent trouver la vieille :

 « Un homme ne s'est-il pas réfugié chez vous, dirent-elles? »

« Non, répondit la vieille. »

Le lendemain, même demande et même réponse.

Le pêcheur qui entendait ces conversations, caché dans un coin de la case, avait  peur qu'on ne lui fît un mauvais parti s'il était découvert.

Un matin qu'il se promenait sur le bord de la mer, il vit, dans un endroit écarté, un poisson énorme.

C'était un Dauphin :

« Sors-moi d'ici, dit le pêcheur au poisson ; je n'y suis point en sûreté »

« Volontiers, répondit le Dauphin, mais va chercher de la nourriture pour la route. »

L'homme prit du riz dans la case de la vieille, revint sur le rivage et partit avec le Dauphin.

Celui-ci le déposa sur une île appelée Nosy-Borahy (2).

Ce nom lui vient probablement de celui du pêcheur qui s'appelait, dit-on, Borahy.

Les descendants habitent encore cette île.

Pour remercier le Dauphin d'avoir rendu un signalé service à leur premier ancêtre, ils ne lui font jamais la chasse, ne le tuent ni ne mangent sa chair (3).

 

 

 
(1) Recueilli à mon passage â Sainte-Marie de Madagascar en 1888.

 

(2) En français Sainte-Marie de Madagascar. Petite île française située sur la côte orientale de la Grande-Terre, dans le nord de Tamatave.

(3) L'abbé Balmond, dans un ouvrage devenu introuvable donne le texte et traduction mot à mot d'une légende intitulée Burahe. Elle contient un épisode que ne mentionne pas la nôtre. Du reste, la traduction interlinéaire de l'abbé Balmond, peu claire et quelquefois incorrecte, suffirait seule à justifier la reproduction de celle que je traduis ici : « Burahe alla pêcher la baleine. Il la vit et la piqua (avec son harpon). La baleine entraîna sa pirogue en pleine mer. Les piroguiers lui disaient : « Coupe la corde. » « Non, répondit Burahe, ou retrouverons-nous une autre baleine ? » Arrivés très loin les hommes virent une terre et coupèrent là corde. Quand ils abordèrent, ils s'aperçurent que ce pays n'était peuplé que
de femmes. Tous les matelots moururent; Burahe seul leur survécut. Il habitait chez une vieille femme qui le cachait dans un coffre. Il péchait chaque nuit. Une fois, il s'en alla à deux jours de là. A son retour, il rencontra un Dauphin : « Si tu veux me tuer, dit-il au poisson, va-t-en. Si au contraire, tu veux me secourir, reste. » Le dauphin resta. Burahe prit un gros morceau de bois qu'il mit sur le dos du cétacé ; puis il alla faire ses adieux à la vieille qui lui souhaita bon voyage. Burahe monta ensuite sur le dauphin qui le conduisit à Nosy Burahe. Dès qu'il entra dans le port, tout le monde vint sur le bord de la mer voir le dauphin. Le bruit se répandit dans le village qu'il y avait quelque chose d'extraordinaire dans le port. Beaucoup de gens' vinrent alors, en pirogue, voir Burahe. Ils étaient contents (de le voir). Burahe dit : « Je veux boire de l'eau. » « Perce le corail avec ton doigt, répondit le dauphin. » Burahe le fit et une eau excellente jaillit aussitôt. Il but et la foule en fit autant. Burahe dit ensuite : « Ce dauphin m'a sauvé et m'a porté ici. (Je le considère maintenant) comme mon père et ma mère, comme un parent, comme mon maître. Soyez bons pour lui. » On lui donna beaucoup de choses à manger; mais il n'y goûta pas. On lui apporta alors des coquillages, et il s'en rassasia. Puis, il s'en alla. Burahe reprit : « O vous, mes parents, je vous,aime. Ne mangez jamais de dauphin : il est fady (sacré) pour nous. »


Le docteur Poulain  dit que la légende la plus accréditée est celle qui attribue au pêcheur Brouhaie, fils d'Imina, la paternité de la colonie des Antenos-Brouhaîe, la première qui foula ce rivage de Nossy  Brouhaie. »

 

Contes populaires malgaches

Recueillis, traduits et annotés par

Gabriel FERRAND

Editeur : E. Leroux (Paris) 1893

 



 

 

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