Le grand Fanany

Le Grand Fanany.
Ikoto et Ikely sont nés dans un petit village du pays Sakalave. Presque tous les enfants de ce village sont bouviers. Mais ni Ikoto ni Ifely ne peuvent conduire et garder les bœufs : le premier est aveugle, le second paralysé. Leurs parents sont très pauvres, et décident un jour de les perdre dans la forêt :
-Nous ne pouvons plus nourrir ces enfants, disent-ils pour s’excuser. Ils ne nous soignerons même pas quand nous serons vieux. Et puis, à notre mort, qui nous mettra dans notre « maison froide » ? Qui s’occupera de nous ? Qui fera pour nous les sacrifices (1) ? Certainement pas un aveugle et un paralytique (2)…Il vaut mieux les perdre et demander un autre enfant à Zanahary
Aussi, un matin, ils proposent à leurs enfants d’aller avec eux dans la forêt, pour y chercher du miel. Les voilà tous partis ; le père porte Ikoto, et la mère conduit Ikely par la main. Ils traversent une grande prairie aux herbes très hautes et entrent dans les bois. Là, le père dit aux enfants :
-Restez là tous les deux, pendant que nous irons chercher du miel. Voici quelques bananes : vous pourrez en manger en nous attendant.
Les enfants attendent donc ; ils sont très patients. Une heure passe, puis deux heures… Ils mangent leurs bananes car ils ont faim. Après la troisième heure, ils commencent à être inquiets :
-Le jour baisse, dit Ikoto. Je ne vois plus les rayons du soleil à travers les branches. Nos parents sont sans doute trop loin, et ne peuvent plus nous retrouver. Si nous partions ? Tu es plus grand et plus fort que moi : tu me porteras et je finirai bien par sortir de la forêt.
Ils se mettent donc en route. Ils prennent un sentier qu’Ikoto croit reconnaître, puis un autre, puis un autre…Mais ils tournent en rond et finissent par se perdre tout à fait. Enfin, tout étonnés, ils arrivent sur une grande plage, à l’ombre des palétuviers, de kapoks et de cocotiers qui font une longue file jusqu’à l’horizon.
-Nous sommes perdus, dit Ikoto.
-Qu’allons-nous faire ? demande Ikely.
-Suivons la plage, nous trouverons peut-être un village, ou bien nous verrons un voyageur qui nous dira quel est notre chemin.
Ikely se remet à marcher. Ils se taisent tous deux, en écoutant le vent dans les grandes feuilles de palétuviers, et le bruit des vagues sur le sable.
Le petit aveugle est très fatigué : mais au moment où il va mettre son frère à terre, il bute sur un objet dur.
-Qu’est-ce que c’est ? demande-t-il.
-C’est une très grande pièce d’argent. Ramasse-la. Nous pourrons acheter de quoi manger quand nous arriverons dans un village.
Ikely reprend un peu courage, et marche encore, jusqu’à ce qu’il bute, à nouveau, contre une corne de bœuf.
-Ramasse-la, dit Ikoto. On ne sait jamais, elle peut nous servir.
Plus loin, il tombe presque, car une tige de fer lui blesse le pied.
-Prends ce morceau de fer, dit encore Ikoto. Donne-le moi, je le porterai avec la corne et la pièce.
Plus loin enfin, c’est un van qui l’arrête ; le petit aveugle le donne à son frère. Quand ils quittent la plage, ils se trouvent dans une vaste plaine. Ils pensent qu’ils trouveront bien par là une maison habitée.
En effet, au milieu d’un gros bouquet de bananiers, Ikoto aperçoit un grand toit pointu, et, au-dessus, une légère fumée.
-Nous sommes sauvés, mon frère, dit-il, une maison !
C’est en effet une grande maison de falafa tressé. Mais on n’entend aucun bruit et la porte est fermée. Ikoto, sur les épaules de son frère, frappe avec la tige de fer, une fois, deux fois, trois fois… rien. Silence.
Mais, au moment où ils vont partir, la porte s’ouvre un peu : une très vieille femme passe sa tête et leur dit de continuer leur route. Elle semble avoir très peur, mais leur demande avec bonté :
-Où allez-vous, mes enfants ?
-Nous passions par là, dit Ikoto qui n’ose pas parler de leur histoire.
-Vous savez qui habite ici ? demande la vieille femme.
-Non, mais nous allons le savoir, si vous nous le dites.
-C’est la grand Fanany : un ogre terrible ! Moi, je suis sa servante. Mes pauvres enfants, il faut partir bien vite avant son retour.
-Mon frère est mort de fatigue, lui dit Ikoto. Laissez-nous entrer un moment ! Quand revient-il ?
-Pas avant la nuit. Allons, entrez…Mais ne restez pas longtemps, il vous mangerait.
Ils entrent dans une grande salle, remplie de riches objets. Les murs sont couverts de très belles rabanes ; sur le sol sont posées des nattes aux dessins compliqués, aux couleurs vives. Dans les coins, on voit de gros tambours recouverts de peaux de bœufs, et des plateaux d’argent, de pierres fines et d’or.
Ikoto dépose son frère sur une natte, près du feu :
-Tous ces trésors sont à lui ? demande-t-il.
-Oui, dit la vieille, on ne peut même pas les compter.
Sur les murs, il voit maintenant des fusils lourds et de longues sagaies, qui sont accrochés.
-Ce sont ses armes ? demande-t-il encore.
-Non, il n’a pas d’armes. Elles étaient à tous ceux qui ont essayé de se battre avec lui : les balles glissent sur sa peau, et les sagaies ne peu vent s’enfoncer dans sa chair dure. Toujours il a faim, et il avale les tout crus.
Malgré leur peur, Ikoto et Ikely s’endorment ; le soir tombe ; la vieille a disparu.
Il fait nuit quand les deux frères sont réveillés par un vent terrible. Tout s’envole autour de la maison ; le sol tremble ; c’est l’ogre qui revient.
-Qui est là ? crie-t-il en entrant. Quelle est cette odeur ?
Il fait noir, heureusement. Ikely se cache sous une nette. Mais Ikoto, qui ne peut pas bouger, doit aller au devant du danger.
-C’est moi qui suis là, dit-il avec courage.
-Qui, toi ? Qui a osé entrer dans la maison du grand Fanany ?
-Un autre Fanany : tu ne me fais pas peur !
-Mets ta dent sous ma main et je saurai si tu dis vrai.
Ikoto place la corne de bœuf sous les doigts de l’ogre.
-Tu as vraiment une dent de Fanany. Fais voir ton oreille.
Ikoto lui tend le van.
-Tu as bien une oreille de Fanany ; montre ta main ?
Aussitôt Ikoto lui donne le fer qu’il vient de faire rougir au feu. Ikely sort de sa natte et tous deux se mettent à crier de toutes leurs forces. L’ogre est brûlé, blessé, et il a très peur en pensant qu’un ogre encore si fort est chez lui ; il sort de sa maison et court se jeter dans la mer. On entend un bruit affreux : les vagues grondent et le ciel se couvre d’éclairs.
Quand le calme revient, Ikoto dit à son frère :
-Prenons les objets les plus beaux : moi, j’ai envie d’avoir ces pierres, elles sont si jolies…
-Non, Ikely, jolies ou non, je ne les vois pas. L’or sera bien plus utile.
Ils sa disputent longtemps pour savoir ce qu’il faut prendre ou laisser. A la fin, l’aveugle, en colère, donne un grand coup sur la jambe de son frère : au bon endroit sans doute, car il est aussitôt guéri.
De son côté, Ikoto envoie une énorme gifle à Ikely, juste sur son oreille, et le choc lui rend tout à coup la vue. Ils sont si contents l’un et l’autre qu’ils ne pensent plus à se battre ; ils reviennent chez leurs parents, sans se perdre, et chargés d’or. Quand ils arrivent, ils les trouvent justement prêts à partir à leur recherche, tant ils regrettent de les avoir perdus. Maintenant, ils n’auront plus besoin de rien.
Notes :
(1) Sacrifié : ce que l’on donne aux dieux. Ce peut être un objet ou un animal que l’on tue.
(2) Paralytique : personne dont le corps, -ou une partie du corps – est immobilisé.
Répondons aux questions :
L’histoire d’Ikoto et d’Ikely vous rappelle-t-elle un autre conte ?
Pourquoi les enfants ne peuvent-ils garder les bœufs, comme les autres enfants ?
Pourquoi leurs parents veulent-ils les perdre ?
Que font-ils pour cela ?
Comment les enfants font-ils pour sortir de la forêt ?
Que ramassent-ils sur la plage ?
A quoi leur serviront tous ces objets ?
Qu’est-ce qu’un Fanany ?
Décrivez la maison du grand Fanany ?
Comment Ikoto et Ikely guérissent-ils ?
Que pensez-vous de leurs parents ?
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