2013-02-20 Le monde paysan en plein bouleversement

Publié le par Alain GYRE

Le monde paysan en plein bouleversement

Discours dans lesquels les dirigeants peuvent tirer des leçons encore aujourd’hui, les Kabary du grand roi Andria­nampoinimerina « unificateur de son peuple et sage législateur » (Hubert Deschamps) reflètent fréquemment le souci de développer la prospérité du pays en poussant ses sujets à étendre leurs cultures. « Travaillez le sol qui vous rassasiera, que chacun de vous ait un champ à sa disposition… Ne permettez pas que les herbes folles envahissent le sol de mon royaume, car je n’ai plus à l’heure présente d’autre ennemi à redouter que la disette… Si vous m’entendez dire que le riz et moi nous ne faisons qu’un, c’est parce que je n’ai pas de meilleur ami que lui et j’ai fait du riz mon meilleur ami car vous ayant groupés en un royaume, c’est sur lui que je compte pour vous faire vivre ».
Les anciens règlements des fokonolona, communautés villageoises de l’Imerina, sont sévères envers les paresseux. Ils exigent que « tous les bras, toutes les terres soient utilisés » pour le travail commun. En voici quelques exemples. « Tout paresseux qui, pour ne pas être inquiété se dira malade et s’abstiendra de participer aux travaux communs, sera puni d’une amende de quatre piastres et astreint à un travail sans trêve d’une semaine pendant laquelle on lui laissera juste le temps de prendre ses repas ».
Ou : « Si des individus, présents à leur domicile laissent leurs rizières en herbes, ils seront passibles d’une amende de trois piastres. S’ils sont absents et que ce soit ni pour l’accomplissement d’une corvée royale ni pour un motif plausible, le fokonolona mettra en culture pour son propre bénéfice, les rizières abandonnées ». La famine, il est vrai, n’est pas rare à l’époque et nulle mesure de contrainte ne paraît trop sévère pour en prévenir le retour.
C’est ainsi que, quand les Français s’établissent, des populations à tradition agricole constituent, dans une grande partie de l’île, un paysannat véritable. Cependant, à l’Ouest, au Sud et dans la région forestière, on rencontre des populations surtout pastorales ou vivant des « tavy » et l’outillage est des plus primitifs. Les cultures vivrières ne forment que de minuscules îlots dans l’immense étendue des terres en friche par manque d’hommes. Sur de vastes espaces, c’est un vrai désert. Les produits riches d’exploitation sont presque inconnus. « Les régions cultivées restent des oasis. Mais ces oasis, sous notre égide, se sont considérablement étendues et multipliées ».
Ainsi, les pasteurs reculent devant les agriculteurs : les Antankarana, les Sakalava perdent beaucoup de leur importance ancienne. Les Bara, les Antandroy se plient progressivement au travail agricole, les premiers en créant des rizières chez eux, les seconds en allant s’employer pour quelque temps loin du tombeau des ancêtres.
Les Antesaka qui, déjà auparavant, ont envahi le pays bara, profitent par la suite des facilités nouvelles offertes aux déplacements, pour émigrer dans le Nord et dans l’Ouest.
« Travailleurs isolés dans certaines régions, ils créent ailleurs des villages à eux qui grandissent et prolifèrent ». Les Antanosy débordent sur l’Androy, les Tsimihety sur la plaine sakalava. Quant aux Merina, et aux Betsileo, on les trouve presque partout.
L’agriculture gagne ainsi l’île peu à peu. La forêt de l’Est, elle-même, depuis l’interdiction des « tavy », voit sa population quitter les petits villages saisonniers des clairières pour se grouper dans les basses vallées où le riz de marais est possible. « Les grandes solitudes de l’Ouest d’une irrigation facile cessent peu à peu d’être un Sahara malgache et révèlent la richesse de leur sol ».
En même temps, l’administration modernise les procédés de culture. Des modèles simples et robustes de charrues sont cédés à moitié prix aux agriculteurs et le labour d’un hectare qui a demandé 45 jours avec l’angady, est réalisé en moins de 6 jours avec la charrue. Ainsi, les cultures peuvent conquérir de nouvelles étendues, « avec une audace que le grand Andrianampoinimerina lui-même n’aurait jamais rêvée ».

Pela Ravalitera

Mercredi 20 fevrier 2013

Notes du passé

L’Express

Publié dans Notes du passé

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