Le nouvel an festif d'Ambohidrabiby

Publié le par Alain GYRE

Tradition: Le nouvel an festif d'Ambohidrabiby

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La quête de l’eau sacrée, incombée aux gardiens de la « flamme éternelle », est un rituel à ne pas négliger

La journée d'hier a été le premier Jour de l'an, selon le Trano Koltoraly et les Andriana d'Ambohidrabiby. La fête a été au rendez-vous sur la colline sacrée.

Vohitr'i Ralambo, la nuit pluvieuse du lundi se retire sous le froid typique des collines sacrées. Allées encore sombres, Ambohidrabiby se réveille comme un gros matou ronronnant. L'ambiance est pourtant vive dans le musée, attenant au tombeau du monarque Ralambo et premier hôte des lieux.
Dans cette baraque à la toiture tendancieuse, les gardiens de la « flamme éternelle», d'une fraîcheur inexpliquée, sont déjà sur pied. Ils ont l'air d'être directement sortis d'un roman de Jules Romain. Un septuagénaire qui préparerait un marathon, un jovial ancien soldat aux yeux de pinson et une armoire à glace lâchée par sa chevelure aussi sensible que la peau d'un nouveau-né. Il leur reviendra de prendre l'eau sacrée. « Activons, il faut la prendre avant que les rayons du soleil apparaissent et qu'une personne utilise la source en premier », lance le géant à son petit cortège. C'est la tradition, car le rituel de purification en vaut le coup.

À l'assaut
Se trouvant au sud du Rova, le trajet pour trouver la source comporte quelques risques. La pluie de la veille a rendu certains tronçons glissants, à cela s'ajoute l’humidité des broussailles, traîtres comme des crabes affamés. Parole d'Andriana, le vétéran de l'armée entend mener à bien sa mission. La pénombre lui fait perdre quelques repères, devant l'inquiétude du marathonien, mais il a suffi d'une dizaine de minutes de descente cahin cahan pour que la troupe se trouve devant la fontaine. Tandis que l'horizon prend des teintes orangées, tout le monde s'active à remplir une douzaine de bouteilles en plastique de ce flux froid et béni par l'histoire.
Tout en haut, les Andriana d'Ambohidrabiby commencent les préparatifs après un rituel intimiste tel le « vary amin-dronono tondrahan- tantely » (du riz cuit arrosé de lait et de miel). Trois chapiteaux sont d'abord alignés, trois autres suivent. La sonorisation se met petit à petit en place, en plus des chaises de pique-nique bleues. La célébration du premier jour du Nouvel an d'Ambohi­drabiby commence à prendre forme.

Du populaire
Vers 8 heures, des collégiens et des lycéens arrivent par vagues des alentours du village royal. « Pour le déjeuner, il sera difficile de trouver un plat de riz dans le village », prédit Hajasoa Roméo, tout heureux pour l'instant de ne pas se trouver sur son banc de classe. Les ruelles au autour du palais commencent à s'animer. Les premiers étals de boissons alcooliques et de cigarettes, quelques stands de vendeurs de « lamba landy». Ici, le symbolisme côtoie béatement le commercial. Plus en cachette, devant l'étroite cour d'une maison encore habitable, après plus d'un siècle et demi d'années de service, un petit attroupement autour d'un jeu de dés. Rien ne va plus, la fièvre du Nouvel an a maintenant gagné Ambohidrabiby.
Vers 9 heures, l'on susurre que de hautes personnalités politiques seront présentes. La cérémonie débute, enfin, après qu'une cinquantaine d'écoliers d'un établissement d'expression française se soient affalés sur la pelouse devant les chapiteaux pour officiels.

Divine fierté
L'orchestre folklorique de Ra Jean Knack ouvre la messe. Ensuite, la prière du pasteur de la Fjkm Ambohidrabiby, Rado Randrianalina, ébranle quelques peu l'assistance. Il souhaite, seulement, que la présence de l'ensemble de l'assistance soit juste et sincère devant le Tout puissant et l'implore pour qu'elle le soit. Pris en aparté, il divulgue. « Les valeurs que véhicule cette tradition répondent aux valeurs du christianisme : famelan-keloka, fidiovana, fisantarana, littéralement : le pardon, la purification et le renouvellement ». Ceci dit, les discours se sont succédé avec pour mot d'ordre la fierté nationale. Ndriana Rabaroe­lina, chef du conseil des rois et des princes de Madagascar et natif d'Ambohidrabiby, met en exergue. «L'Avaradrano est le grand frère de l'Imerina, en conséquence l'aîné de Madagascar ». Un rappel historique, un des membres du clan continue sur une envolée chronologique. « C'est à Madagascar qu'a été cachée l'Arche de l'alliance des Dix commandements, nous sommes un pays béni de Dieu ».

Date commune
Les propos sont parfois virulents vu que le Nouvel an « malgache » attribué par le Trano Koltoraly et les Andriana d'Ambohidrabiby ne fait pas encore l'unanimité nationale. L'ancien chancelier, Etienne Ralitera, saute sur l'occasion. « Il faudra vraiment qu'on trouve une date commune, car cette fête est pour tous les Malgaches ». La cérémonie se poursuit par les rituels spécifiques de tout Nouvel an malgache. Le « tatao », le « fafirano », une bénédiction avec l'eau sacrée puisée par l'armoire à glace et sa joyeuse troupe.
Qui s'enchaîne par le « vary amin-dronono tondrahan-tantely ». Tandis que quelques écoliers de la localité quittent les lieux. Dehors, rien ne change. Les étals à alcools sont bien occupés, le jeu de dés trouve toujours client et Ambohidrabiby est toujours en fête. Après le tour de la troupe de Ra Jean Knack, c'est au tour de Ra Georges, avec son chapeau estampillé d'une étoile de sheriff, de chauffer la cour du musée. Cette fois, à coup dominant de sodina. Une journée de fête qui a été épargnée par la pluie. La nouvelle année d'Ambohidrabiby débute.

Maminirina Rado

Mercredi 13 mars 2013

L’Express

Publié dans Revue de presse

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