Conte: Le Papangue et la Poule

Le Papangue et la Poule
Celui-là s’asservit qui contracte une dette ;
Il perd sa quiétude et bientôt la regrette.
Une poule, à la patte avait
Une chique qui l’énervait.
Elle eût pu retirer la bête minuscule
En quelques coups adroits de ses deux mandibules.
(Journellement,
Les chiens, les chats, avec leurs dents
Extirpent la gêneuse impitoyablement.)
Mais ce moyen si simple et trop à sa portée
Ne lui, venant pas à l’esprit,
L’oiseau de basse-cour, la patte retroussée,
Dit au papangue, son ami :
« Toi, dont l’aile est agile et le bec redoutable,
Aux cactus du chemin, prends un piquant pour moi.
Quand, d’une chique insupportable,
J’aurai débarrassé mon doigt,
Je te remettrai, sans lésine,
Des intérêts et ton épine. »
Papangue, complaisant, à la servir fut prompt,
Et la poule, aussitôt, tourmenta le ciron.
L’extraire était si difficile
Que la pondeuse, malhabile,
Dans l’herbe laissa choir l’épine de cactus !
La chique, avec fureur, rongea le médius,
Profitant de ce que la poule infortunée,
Stupide, désolée,
Grattait, grattait le sol avec acharnement
Pour trouver le piquant.
Vaine
Peine !
Le piquant ne se montra pas !
Aussi, las d’espérer, Papangue se fâcha :
« De la perte de mon aiguille,
Cria-t-il, toute ta famille
Répondra.
Tant que tes sœurs et toi vous serez occupées
A la rechercher, sur vos couvées
Chaque jour ma faim s’abattra. »
Et sinistre, implacable, il gagna les nuées.
Maintenant, de là-haut, il guette, sanguinaire,
Les petits de la poule et, comme sur la terre,
Celle-ci, sans repos, gratte toujours en vain ;
Le cynique larron fond sur quelques poussin.
Contes malgaches
Autour du dzire
Texte de J. Landeroin
Librairie Delagrave 1925