Conte: Le Rat et le Chat.

Le Rat et le Chat (1).
L’amitié du chat et du rat était, dit-on, sincère. Le chat ne mangeait pas de souris tout comme maintenant l’homme ne mange pas de chien, sans trop savoir pourquoi.
Un jour, le rat dit au chat : « Mon ami, j’aime jouer avec le feu ; je connais les mots magiques pour rendre la flamme peu chaude et inoffensive.
- Comment cela? s’enquit l’autre .
- Ecoute ,c’est très simple, répondit le rat. Mets-moi dans un tas de bois et mets le feu dessus; tu verras que je sortirai sain et sauf. Veux-tu me mettre à l’épreuve?
- Oui, dit le chat.
- Ecoute, tu verras comment je déplace les pattes ; comment je remue la queue ; comment je fais danser les moustaches, mouvoir les narines, rouler les yeux.
- Oui, dit le chat.
- Ecoute, il faut que tu sois bien attentif .Vois bien comment je gratte la terre, comment je ris. Ecoute, il faut te souvenir que tu dois chanter le « Rano,Rano » (2) toutes les fois que la flamme se fait sentir.
- Oui, dit le chat.
Alors le rat s’enfonça dans le tas de brindilles. «Ce n’est pas bien serré», déclara-t-il, quand il fut invisible. « Il faut ajouter deux ou trois gros morceaux ».
- Ah! le diable, il va s’écraser, se dit le chat. Il mit pourtant les deux morceaux de bois.
- Ce n’est pas suffisant, ajouta le rat, car j’aperçois encore le soleil. Mets-en un peu plus.
- Ah! Le diable, il va être écrasé, se dit encore le chat. Il ajouta quatre gros morceaux. Et puis il dit :
- « Alors ça y est, mon vieux….? »
Le rat répondit : «Vas-y, n’aie pas peur ».
Il avait gagné le temps nécessaire pour se creuser un trou. Le feu brûle, le rat est dans son trou, lançant parfois son magique « Rano, Rano » .
J’ entends encore sa voix et son chant, se dit le chat. « Es-tu encore en vie, mon vieux ? N’étouffes –tu donc jamais ? »
- Rano, Rano, lança le rat.
Quand tout fut éteint, le rat sortit .Tu vois, dit-il, au chat, je n’ai rien senti . Veux-tu essayer dans l’autre tas ?
- Oui, mon vieux ,répondit le chat. Il est dans les branches. Le rat allume le feu. Le chat dit : « Rano, Rano », la flamme a fait sauter ses moustaches, elle a arraché les poils du dos. « Ahan ! » se dit-il.
La flamme brûle maintenant les oreilles. « Aye ! » fit-il. D’un bond, il saute hors du feu. Et le voilà sauvé.
Le rat dit : « Il est temps que je décampe ». Et il s’en alla se cacher.
Le chat a poursuivi le rat.
C’est depuis ce temps-là que les chats et les rats se font toujours la guerre.
(1) C’est curieux que Malgache attribue au rat toutes les félonies que le vieux Français trouvait au renard. Pour le Tsimihety, le chat est presque toujours considéré comme le symbole de la candeur tandis que le chien n’est estimé que par le service qu’il rend moyennant récompense, naturellement.
(2) Rano, Rano !: De l’eau, de l’eau. Terme prétendu magique employé surtout par les rebelles de 1947 pour rendre les armes des adversaires inoffensives. Les rebelles malgaches étaient des révoltés qui, surtout en mars 1947, avaient demandé le départ immédiat des Français en reprenant les armes. La rébellion a été vivement réprimée, surtout du côté de Moramanga. Cette allusion à la rébellion de 1947 semble déplacer le conte dans le temps.
Contes et légendes de Madagascar
RABEARISON
Administrateur Civil