Conte: Le Rat et le Sanglier

Publié le par Alain GYRE

Le Rat et le Sanglier

« Ohé ! Ho ! mon ami ! Vite, sors de ta cave,

Criait un soir à Voualave

Lambe, le Sanglier.

C’est fou de se terrer ainsi des jours entiers !

Pendant que l’Homme dort, viens voir nos bananiers.

Viens, viens. Et sans nous éloigner de nos pénates,

Nous pourrons, j’en suis sûr, rapporter des patates.

On va nous attraper si tu grognes si haut !

Lui répondit le Rat. D’ailleurs… Hé ? fait-il beau ?

Sans ambages,

Reprit l’autre, l’herbage

Ce soir, est laid

Comme, d’un rat mouillé, le risible pelage !

Mais pour aller

Renouveler

Notre provision de fruits et de légumes,

Que diable ! nous pouvons tenir notre costume. »

Le Rat, vexé par ce discours, ne souffla mot,

Mais il pensa : « Ce lourd pourceau

Sûrement est moins gros que sot !

Laissons faire la Providence !

On ne paie jamais trop cher une insolence. »

Il suivit le rieur sans se faire prier

Et, vers un champ bordé de souples bananiers,

Nos deux compères

Se dirigèrent

Sans incident.

Là, Voualave aux fines dents

S’aidant

D’une frêle liane

Grimpa sur le plus beau régime de bananes.

« Hon ! hon ! mon cher ami, ces fruits sont-ils bien mûrs ?

Interrogea Ralambe. – Ils sont rêches et durs

Comme d’un sanglier les défenses grotesques, »

Lance à son tour le Rat

Au sauvage verrat.

Celui-ci, très blessé par cette insulte et presque

Démonté, se reprit : « Tu ne descendras pas,

Malheureux, sans payer cet affront. A tes pas

Maintenant je m’attache. Il faut que je me venge

Et que d’un seul coup je te mange. »

Voualave, malin, sur la queue en vrillon

Saute, s’agriffe ; mord ; par cent précautions,

Evite avec bonheur la gueule meurtrière,

D’un dernier coup de dents jette la queue à terre

Et s’enfuit dans un trou que des cailloux tranchants

Dissimulaient au bord du champ.

Ralambe, mutilé, ne contient plus sa rage :

Entre les pierres son long nez, avec courage

Fouille, mais les cailloux sont traîtres et bientôt,

Le nez coupé, sanglant, notre cochon penaud,

Raccourci des deux bouts, abandonna la lutte,

Se promettant bien in petto

De ne plus provoquer d’aussi sottes disputes.

Les sangliers, depuis cela,

Ont courte queue et groin plat.

Contes malgaches

Autour du dzire

Texte de J. Landeroin

Librairie Delagrave 1925

Publié dans Contes, Autour du Dzire

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