Conte: Le serpent et le ver de terre

Le serpent et le Ver de terre
Alors que les serpents, privés de la lumière ;
Enviaient le regard du frêle ver de terre,
Bibelave, serré dans son habit de cour,
Vint un soir chez Kakane et lui tint ce discours :
« Prête-moi tes beaux yeux pour aller en soirée,
Mon bon ami. Malgré sa splendide livrée,
Le monde est si méchant qu’on va rire de moi
Si je ne vois pas clair et ne marche pas droit !
Je te rendrai demain ces vrais joyaux de roi. »
Kakane eut confiance en l’élégante bête
(Sous un manteau de prix l’escroc paraît honnête),
Il ne sut refuser, et le soir, à la fête,
Bibelave brilla
Comme un « trente carats »,
Mais dès le lendemain, plein d’indélicatesse,
Le serpent déloyal ne tint pas sa promesse ;
Le ver de terre, désolé,
Dut aller chez l’ingrat pour la lui rappeler,
La satanique créature
Avec désinvolture
Répondit : « Mon ami, ta parure
Fait de moi le plus beau
De tous les animaux ;
Si je te la rendais, je ne serais qu’un sot
Apprends que dans la vie
Il faut savoir compter avec la perfidie,
Quiconque veut garder son bien
Ne prête rien. »
Depuis, Bibelave fascine
Avec ses diamants
Poules et rats que, sans cuisine,
Il mange goulûment.
L’autre au sein de la terre
Cache sa honte et sa misère,
Et ne sort de son trou
Qu’à l’heure du hibou.
Contes malgaches
Texte de J. Landeroin
Librairie Delagrave 1925
La légende malgache dit qu’à l’origine les serpents étaient aveugles et que les vers de terre avaient des yeux.