Conte: Les Antendrovolo

Les Antendrovolo (1)
Autrefois, dit-on, tous les animaux sauvages se promenaient paisiblement pendant le jour et pendant la nuit. Les oiseaux nocturnes mêmes, et surtout les fameux hiboux, croisaient en plein midi les hommes, les caïmans, les chats-sauvages, les serpents, les sangliers. Dieu ne faisait aucune distinction entre les hommes-Antendrovolo et les autres créatures. Les Antendrovolo firent bientôt les malins ; ils décimèrent leurs concitoyens. Tous les animaux se plaignirent des Antendrovolo. L’arrêt divin devait être rigoureux, car il s’agissait de l’attentat à la liberté et à l’égalité des citoyens.
Dieu dit aux plaignants :
« Que tous ceux qui respirent s’en viennent au mont Ampitsonjoana, à l’Ouest du village Vohimarina, Vendredi prochain. Là, j’aurai quelques révélations à faire ».
Le jour fixé, tous les animaux, excepté les hommes, qui étaient restés aux champs, accoururent au lieu du rendez-vous. Les caïmans au dos rocailleux, les tortues si lentes et si peureuses, les caméléons qui comptaient partout leurs pas, tous étaient présents. Dieu leur dit : « Que chacun m’expose ses griefs contre les hommes ». et avant qu’aucun animal ne lui ait répondu, il déchargea un formidable coup de tonnerre, il déchaîna un vent furieux. Les nuages boursouflés changèrent de forme et de couleur. Les hommes, apeurés, montèrent au lieu de réunion, habillés de simple pagne et armés de coupe-coupe. Ils avaient emporté des assiettes de bois à moitié pleines d’eau. Ils aspergèrent les environs et ils crièrent : « Malemy, Malemy » (2). Bientôt le tonnerre cessa, le vent se calma, et Dieu se montra un moment interdit.
Voyez-vous, déclara Dieu aux plaignants, Les Antendrovolo sont déjà puissants. Ils ne n’écoutent plus, ils bravent ouvertement mes lois. Ce que je vous recommande, à vous autres animaux, c’est de fuir leur présence ; autant que possible, ne sortez pas le jour ; je veillerai pourtant à ce qu’ils n’aient jamais l’odorat fin et que la puissance de leur vue soit limitée. Quant à vous Seketra, (on appelait ainsi les caïmans) vous allez rejoindre l’eau. (Auparavant les caïmans habitaient dans les plaines où ils se creusaient des trous dont les vestiges que les Tsimihety dénomment lavatsekatra existent encore un peu partout).
Depuis ce temps, dit-on, la suprématie de l’homme sur tous les autres animaux est établie. Et en souvenir de cet événement heureux, qui a marqué la première concession de Dieu, les vieux Tsimihety n’oublient jamais ce mot magique à la fois troublant et doux ; « Malemy, Malemy », toutes les fois que le tonnerre et les éclairs essayent de rétablir la puissance céleste.
Disons la vérité. Dieu est tout puissant ; l’évolution de la pensée humaine est son œuvre ; toutes les inventions du monde concourent à donner forme à la vie suivant le désir du créateur.
(1) Antendrovolo : Mot à mot : qui a les cheveux au sommet. C'est ainsi que les animaux sont sensés appeler les hommes.
(2) Malemy : veut dire doux. C’est également un terme d’incantation dont font souvent usage les Tsimihety pour calmer la colère de certain génie.
A la vérité, ce calme ne saurait être que de la clémence : Dieu est tout puissant.
Contes et légendes de Madagascar
RABEARISON
Administrateur Civil