Contes: Les cinq graines

Publié le par Alain GYRE

 

 

Les cinq graines

 

Le roi Ravohimena était tombé amoureux de la belle Rachou

Quand il voulut l’épouser, le père de Rachou lui dit :

« J’accepte si tu épouses aussi ses deux sœurs, Rayotvoo et Ratanakanjolova. »

Ainsi, le roi se maria avec les trois sœurs, comme il avait le droit de le faire dans son pays. Mais il ne s’occupa que de Rachou, celle qu’il aimait.

La belle Rachou n’arrivait pas à avoir un enfant, ce qui réjouissait ses deux sœurs jalouses :

« Le roi finira par l’abandonner », ricanaient-elles en se frottant les mains.

Un jour, le roi Ravohimena partit en guerre. Avant son départ, il remit à Rachou cinq graines magiques.

Cinq mois seulement passèrent et la reine Rachou donna naissance à cinq garçons.

Les deux sœurs étaient furieuses.  Rayotvoo se rendit donc chez une sorcière et lui demanda un conseil :

« Comment pourrais-je me débarrasser de Rachou et de ses cinq enfants ? »

La sorcière lui tendit cinq chiffons très sales et un flacon :

« Fais boire à la reine Rachou le contenu de ce flacon, elle sera aussitôt transformée en maki. Mets ces cinq chiffons magiques à la place des nourrissons. L’odeur de ces chiffons tourne la tête de ceux qui la respirent. Personne ne pourra suivre ta piste.

Rayotvoo rejoignit sa sœur Ratanakanjolova, et lui confia son projet.

Au milieu de la nuit, les deux sœurs entrèrent sur la pointe des pieds dans la case royale où dormaient rachou et ses fils. Elles versèrent le produit dans le gobelet de Rachou, puis elles remplacèrent las cinq bébés par les chiffons magiques.

Elles déposèrent ensuite les cinq nourrissons dans une corbeille qu’elles transportèrent au bord du fleuve… Et l’eau emporta la corbeille sans un bruit.

Au lever du jour, les servantes entrèrent dans la case royale.

Le berceau ne contenait que cinq chiffons sales ! La reine avait disparu, et un maki à la longue queue rayée les regarda en écarquillant les yeux, avant de passer par la fenêtre et de s’enfuir dans la forêt.

Dès qu’il fut alerté, le premier ministre ordonna :

« Que tout le monde parte à la recherche de la reine et des cinq petits princes ! »

Mais on eut beau chercher, on ne retrouva pas Rachou et ses enfants.

Quant aux deux sœurs jalouses, elles versèrent tant de larmes que personne ne les soupçonna.

Une année s’écoula. Le roi Ravohimena revint de son expédition lointaine. Quand il apprit ce qui était arrivé en son absence, il se mit en colère et organisa de nouvelles recherches.

Hélas pas la moindre trace des disparus.

Ravohimena était désespéré.

-          « O grand roi, dit un esclave que Ravohimena avait ramené de son expédition. Je dois absolument te raconter quelque chose.

-          Je t’écoute.

-          Je coupais du bois dans la forêt quand un maki, assis au sommet d’un arbre, m’a fait signe. Il parlait de toi et prétendait s’appeler Rachou7

-          Rachou ? sursauta le roi. Conduis-moi immédiatement à l’endroit où tu as aperçu le maki. »

Le roi, ses ministres, ses gardes et les deux sœurs suivirent l’esclave dans la forêt, et tous s’arrêtèrent au pied d’un grand arbre. Le maki à la longue queue rayée s’y trouvait toujours.

-          Comment puis-je être sûr qu’il s’agit de Rachou ? s’inquiéta le roi. Il me faudrait une preuve.

-          Si je ne suis pas Rachou, dit le maki, cet arbre restera dressé vers le ciel. »

L’arbre aussitôt se plia en deux, la cime caressant les pieds du roi.

A la place du maki se tenait la belle rachou.

Le roi la serra contre lui.

« Où sont nos cinq fils ? demanda Rachou en pleurant.

-          Les recherches n’ont rien donné, répondit le roi avec tristesse.

-          Je crois savoir où ils se trouvent, dit alors l’esclave. Au milieu de la forêt vivent un vieux bûcheron et cinq enfants, âgés d’environ un an. »

Tous se mirent en marche. Ils atteignirent enfin une maison. Le vieux bûcheron les salua, remit une corbeille au roi et raconta :

-          Il y a un peu plus d’un an, j’ai aperçu cette corbeille sur le fleuve. Elle contenait cinq nourrissons que j’ai recueillis.

-          Quoi ! se fâcha le premier ministre. Nous avons parlé de cette disparition aux quatre coins du pays. Pourquoi n’es-tu pas venu me voir ? »

Le vieux bûcheron hocha la tête :

« Je n’ai pas confiance en tous ces ministres qui parlent, qui parlent et ne font pas grand-chose. Je préfère me boucher les oreilles que de perdre mon temps à les écouter. »

Le premier ministre était prêt à tuer le vieil homme. Au même instant, le roi leva le bras :

« Gardes, arrêtez tous ces ministres qui ne sont que des incapables. Cet esclave et ce bûcheron sont des sages, ils les remplaceront. »

Le roi et la reine Rachou embrassèrent leurs cinq petits garçons.

Puis le roi Ravohimena se tourna vers les deux sœurs, Rayotvoo et Ratanakanjolova :

« Je sais que vous êtes responsable de tout ce qui s’est passé.

-          Quelle honte ! s’écria Rayotvoo. Nous sommes innocentes.

-          Où est donc la boucle qui manque à ton oreille droite ?

-          On me l’a vo… volée, bafouilla Rayotvoo.

-          Non , dit leroi. Tu l’as perdue sans t’en rendre compte. Bizarre… Comment se trouive-t-elle dans cette corbeille ? »

Les deux sœurs jalouses tombèrent à genoux en criant « Pitié ! », mais le roi prononça trois mots incompréhensibles et traça sur le sable des signes étranges.

Aussitôt, Rayitvoo fut changée en sauterelle, et Ratanakanjolova en maki. La sauterelle s’enfuit dans les hautes herbes en sautillant, poursuivie par le maki affamé.

 

Contes d’Afrique

Racontés par Ann Rocard

Editions Lito 2002

 

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