Les deux voleurs et les deux rats

Les deux voleurs et les deux rats.
(Imerina)
Un jour, deux rats qui conduisaient quatre bœufs, rencontrèrent deux rusés compères : « Eh! vous autres, dirent ceux-ci, voulez-vous que nous soyons amis? »
« Volontiers, dirent les rats.»
« Où vous êtes-vous procuré ces bœufs? »
« On nous les a donnés hier comme salaire, pour avoir gardé du riz, répondirent les rats. »
« Très bien, reprirent, les hommes. Nous allons maintenant, si vous le voulez, voyager ensemble. Vous surveillerez vos bœufs pendant la nuit; et nous, nous les garderons pendant le jour. » (Nos deux voleurs voulaient être gardes de jour pour pouvoir s'enfuir avec les bœufs.)
Les rats acceptèrent cette combinaison.
Lorsqu'ils eurent réuni un grand nombre de bœufs, les deux hommes projetèrent de s'en emparer.
Les rats qui avaient eu vent du tour qu'on voulait leur jouer, rongèrent, pendant la nuit, les pieds des bœufs de façon à ce qu'ils ne pussent plus marcher. Les deux hommes s'en aperçurent et demandèrent aux rats d'où provenaient les blessures des animaux :
« Nous ne savons pas, dirent ceux-ci. Pourtant nous avons fait bonne garde la nuit dernière. Ce sont probablement des rats d'eau qui ont mordu les bœufs au passage de la rivière que nous avons traversée. Pour éviter le retour d'un pareil accident, nous allons porter un des bœufs aux rats de la rivière, pour qu'ils ne mordent plus les autres. ».
«C'est cela répondirent les hommes qui ne se doutaient de rien. » !
Le rats construisirent à cet effet une pirogue avec des branches de manioc (1). Ils laissèrent leur troupeau au village et embarquèrent le bœuf qu'ils devaient porter à leurs congénères. Les deux hommes se mirent l'un à l'avant, l'autre à l'arrière ; et les deux rats, chacun d'un côté.
Pendant qu'on traversait la rivière, les deux rats trouaient la pirogue pour que l'eau y pénétra :
« Pourquoi remuez-vous, demandèrent les hommes? »
« Nous nous installons commodément, répondirent-ils. »
Mais la pirogue qui avait une voie d'eau, coula immédiatement.
Les deux hommes, qui ne savaient pas nager, se noyèrent ; et les rats et le bœuf arrivèrent sains et saufs sur la rive :
« Compère, dit l'un des rats, ces deux hommes étaient forts et courageux; mais ils manquaient d'habileté. »
(1) Les branches du manioc sont courtes, flexibles et peu résistantes.
Contes populaires malgaches
Recueillis, traduits et annotés par
Gabriel FERRAND
Editeur : E. Leroux (Paris) 1893