Les Kimosy, des individus trahis par la nature
Les Kimosy, des individus trahis par la nature
Au XIXe siècle, Coppalle est l’un des auteurs qui croient en l’existence des Kimosy. Toutefois, pour lui ils ne constituent qu’une petite fraction des Betsileo et plus particulièrement ceux de caractéristiques albinos. En 1910, l’Académie malgache publie une de ses lettres qu’il a écrite après un voyage accompli en 1825-1826 en Imerina.
Voyageant comme à son habitude avec un seul esclave dans la province de l’Imerina, il s‘arrête à Fiakarana, à l’Ouest d’Antananarivo. C’est la saison de la récolte de riz et la plaine est submergée par les moissonneurs qui ne manquent pas de l’épier dans tous ses faits et gestes.
« Tout à coup, deux individus de la plus taille et de la conformation la plus extraordinaire, perçant la foule, viennent se placer à quelques pas devant moi ».
Remarquant sa grande surprise, les autres moissonneurs s’écrient : « Ce sont des Betsileo du Sud, des esclaves du roi ». Coppalle s’approche alors d’eux pour leur parler, mais traversant de nouveau la foule à une vitesse extrême, ils s’enfuient dans un fossé où, probablement, ils se croient plus en sûreté pour l’observer.
« Ces singuliers petits êtres dont la taille ne dépassent pas 4 pieds, me parurent âgés l’un de 20 ans et l’autre de 30. Leur teint était fort noir. Ils avaient les cheveux crépus, les bras longs et disproportionnés, le ventre gros, les jambes grêles et cagneuses. J’appris de mon compagnon de route que ces deux hommes appartenaient à un peuple de nains qui habitaient les montagnes du pays des Betsileo, nation guerrière nouvellement soumise à Radama… ».
Selon le guide de Coppalle, les Pygmées vivent dans ces montagnes dans une grande indépendance que n’osent troubler les gens de la plaine, car ils passent pour très courageux. Les chefs de la côte Est en ont la preuve dans leurs nombreuses tentatives de mener des expéditions armées contre leurs lieux de retraite.
« Mon guide m’apprit encore quelques autres particularités concernant ce peuple de nains que j’aurais dès lors été tenté de prendre pour les Kimos de Commerson et de Modave, s’ils eussent été moins noirs et si le nom sous lequel on les désigne se fût un peu rapproché de celui que leur donnent ces auteurs. Mais le hasard qui m’avait procuré ces premières notions, devait achever la découverte ».
Deux mois plus tard, Coppalle est de retour à Ivondro, près de Toamasina, chez le négociant français Dayot. Il y est venu pour rencontrer James Hastie devenu agent résident de l’Empire britannique auprès de Radama, et récemment de retour de Maurice avec quelques missionnaires.
Après avoir discuté des nouvelles de l’Imerina pendant l’absence de James Hastie, la conversation des deux hommes en vient à tomber sur les Bestileo. Coppalle parle de ce qu’il a vu à Fiakarana et ce que lui a raconté son guide sur les nains du Bestileo. Hastie ne cache pas son scepticisme en ce qui concerne leur existence.
C’est alors qu’un officier du roi, présent, prend part à la conversation et affirme à Hastie qu’il y a effectivement dans les montagnes du Sud de l’Ankay, un peuple de petits hommes très redoutés à cause de leurs brigandages et qui sont considérés comme sorciers. Hastie lui demande s’ils sont blancs, mais selon le Malgache, ils ne sont ni plus ni moins que des Betsileo.
« Cependant, il y avait parmi eux un grand nombre de bobo (albinos) qu’ils appelaient Kimosy ». D’après l’officier, les Kimosy sont comme tous les Betsileo, mais de très petite taille (fohy), qu’ils ont le ventre gros (vaventy ny kibo), les fesses plates (fisaka ny vodiny), les cheveux crépus (volo rangitra) et les yeux du chat (maso tahaka ny saka).
Et Coppalle termine sa lettre sur ces mots : « Que l’on compare maintenant ces renseignements avec ce que disent des Kimos Commerson et Maudave, et l’on concluera probablement comme nous le fîmes que ces deux auteurs n’ont commis d’autre erreur que celle d’attribuer à une population entière une couleur et un nom qui ne conviennent qu’à quelques individus, mais que l’existence du peuple nain ne peut plus être contestée ».
Pela Ravalitera
Vendredi 13 juillet 2012
L’Express