Conte: L'origine des montagnes malgaches

L’Origine des montagnes malgaches
C’est sous Andriandzaque, en un petit village
Sauvage
Assis aux flancs d’un mont de rochers couronné,
Que ce conte naïf, autour du dzire, est né.
Je le tiens d’un bourjane amusant mais borné.
La Terre, à l’origine, était plate et très sombre.
Des nuages épais la couvraient de leur ombre
Et, quand leurs eaux fondaient en orages cruels,
La Terre gémissait et maudissait le Ciel.
Or, advint qu’un jour, de ces brimades lasses,
Cent provinces ensemble unirent leurs efforts
Pour châtier le Ciel et lui prendre sa place.
Le moindre îlot offrit son modeste renfort ;
Analamangue fut nommé chef des armées.
« les arbres, cria-t-il, serviront de sagaies.
Mille rochers géants, lancés avec vigueur,
Auront vite abattu l’insolent oppresseur.
Notre bon droit voudra que nous soyons vainqueurs. »
Au jour fixé, partout la Terre,
Frémissante, se souleva.
Dans un soubresaut de colère,
Vers le ciel sombre elle éleva
Les montagnes aux fières cimes,
Les mamelons au front moins haut,
Les collines, les verts coteaux ;
La trop patiente victime
Résolut, à son tour, d’inspirer la terreur.
Lorsque tous ces massifs, contre le saccageur
Eurent dressé leur haute taille,
Pour se jeter dans la bataille
Ils attendirent le signal
Du combat infernal.
Soudain, de l’immensité grise
Sortit un soleil radieux.
Plus de nuages plus de lueurs indécises :
La Terre resplendit sous le plus pur des Cieux
Eblouie
Et saisie
Par ce premier temps clair,
Elle oubliait déjà ce qu’elle avait souffert
Quand l’imposant Soleil, à l’haleine brûlante,
Dit :
« Vastes cieux, coteaux, montagnes géantes,
Plaines, ne bougez plus. Je vous unis,
Et vous interdis
Toute mésentente.
Je veillerai sur vous le jour. La nuit,
La lune et mille étoiles scintillantes
Viendront, de leurs clartés moins éclatantes
Garder votre sommeil. »
Et toute la Nature obéit au Soleil.
Voilà comment, du nord au sud de la Grande Ile,
Se sont formés des monts qui restent immobiles.
Si le soleil se lève à l’est,
C’est que des crêtes menaçantes s’y profilent.
Tranquille,
Il se couche à l’ouest
Où la plaine et la mer lui semblent plus dociles.
Les rochers, dont les pieds s’enchâssent dans la terre
Etaient debout déjà quand avorta la guerre ;
Si la foudre, parfois, les prend pour objectifs,
C’est qu’ils couvent encore des desseins subversifs.
Contes malgaches
Autour du dzire
Texte de J. Landeroin
Librairie Delagrave 1925