Les trois soeurs et Itrimobe

Publié le par Alain GYRE

 

Les trois sœurs et Itrimobe.

 

            Il y avait une fois un homme et une femme qui avaient trois filles. La plus jeune, appelée Ifara, était la plus jolie. Une nuit, Ifara fit un rêve et le lendemain elle le raconta à ses sœurs.

            -J’ai rêvé, dit-elle, que je voyais le Fils du Soleil descendant sur la terre pour c hercher une femme et, le croiriez-vous ? Il me choisit pour être son épouse. Les deux autres sœurs furent vexées en entendant cela et elles se disent :  « Elle est certainement bien plus jolie que nous, et qui sait si le grand chef ne viendra pas pour l’épouser ? il nous faut chercher un moyen de nous débarrasser d’elle. Mais voyons d’abord si tout le monde la trouvera la plus jolie».

            Elle appelèrent Ifara et lui dirent de s’habiller pour sortir avec elles. La première personne qu’elles rencontrèrent fut une vieille femme.

            -Oh ! bonne mère, crièrent les deux sœurs, quelle est la plus jolie de nous trois ?

            La vieille répondit : « Ramatoa n’est pas mal, Raïvo non plus, mais c’est Ifara qui est la plus belle ».

            Alors Ramatoa enleva à sa jeune sœur sa robe de dessus.

            Elles rencontrèrent un vieillard et lui dirent :

            -Oh ! bonhomme, quelle est la plus jolie de nous trois ?

            Le vieillard fit la même réponse que la vieille femme, et Raïvo dépouilla Kara de sa robe de dessous.

            Ensuite elles rencontrèrent Itrimobe, un monstre moitié homme, moitié taureau, avec une longue queue pointue.

            -Voici Itrimobe, dirent les deux sœurs, et elles lui crièrent : « Itrimobe, quelle est la plus jolie de nous trois ? »

            Itrimobe poussa un grognement et répondit :  « Ca n’est  pas difficile à dire c’est Ifara ».

            Les deux sœurs étaient pleines de rage, et elles se dirent : « Nous ne pouvons pas la tuer nous-mêmes mais nous lui ferons cueillir les légumes d’Itrimobe alors, il sera en colère, et il la mangera ».

            Elles appelèrent Ifara et lui dirent :

            -Jouons à qui ramassera les plus gros ignames.

            -Où faut-il aller ? dit Ifara.

            -Là-bas, dirent ses sœurs en lui montrant le champ d’Itrimobe. Mais cueille seulement ceux qui viennent juste de pousser.

            Quand Ifara rapporta ses ignames, elle vit qu’ils étaient beaucoup plus petits que ceux de ses sœurs. Elles se moquèrent d’elle et lui dirent : « Va vite en chercher d’autres ».

            Quand Ifara fut de retour dans le champ d’ignames, elle vit arriver Itrimobe galopant sur ses quatre pieds ; il la saisit en s’écriant : « A présent, je t’y prends ; c’est toi qui voles mes ignames ; je vais t’avaler ».

-Oh ! non, non, dit la pauvre Ifara pleurant, laissez-moi plutôt être votre femme, et je vous servirai bien.

-Viens, alors, dit Itrimobe, et il l’emmena dans sa hutte, mais son idée était de l’engraisser pour la manger ensuite.

Les deux sœurs furent ravies de voir le monstre emmener Ifara. Elles coururent à leur maison, racontèrent à leurs parents qu’Ifara avait volé les ignames d’Itrimobe, et que celui-ci l’avait mangée. Le père et la mère pleurèrent amèrement sur le sort de leur chère fille.

Pendant ce temps, Itrimobe engraissait Ifara ; il la tenait enfermée dans la maison, cousue dans une natte, pendant qu’il allait chercher toutes sortes de choses pour lui donner à manger et il commençait à penser qu’elle était bien dodue et qu’elle devait être bonne à rôtir.

Un jour qu’Itrimobe était sorti pour toute la journée, Ifara vit une petite souris qui lui dit : « Donne-moi un peu de riz blanc, Ifara, et je te dirai quelque chose ». Ifara lui donna un peu de riz blanc, et la petite souris lui dit :

-Demain, Itrimobe va te manger, mais je rongerai le fil qui tient la natte et tu pourras te sauver. Prends avec toi un œuf, un balai, un bâton et un caillou bien roulé et poli, et mets-toi à courir du côté du sud.

Quand la petite souris eut rongé le fil qui tenait la natte, Ifara prit un œuf, un balai, un bâton et une pierre polie, et se sauva bien vite, après avoir mis à sa place un tronc de bananier et fermé la porte.

Quand Itrimobe rentra, apportant un grand pot et une sagaie pour tuer Ifara et la faire bouillir, il trouva la porte fermée. Il frappa et appela ; personne ne répondit.

-Bien, pensa-t-il, Ifara est devenue si grasse qu’elle ne peut plus bouger !

Il brisa la porte et, courant droit vers le lit, il enfonça son arme dans le tronc de bananier, croyant tuer Ifara.

-Comme Ifara est grasse, dit-il, ma sagaie s’enfonce toute seule !

Il ma retira et passa sa langue dessus.

-Elle est tout en graisse et tout à fait insipide. Elle sera peut-être meilleure rôtie !

Mais, en ouvrant la natte, il vit le tronc de bananier, et il fut très en colère. Il sortit et huma l’ir vers le nord : rien ; il huma l’air vers l’est : rien ; vers l’ouest : rien ; il huma l’air enfin vers le sud : « Ah ! cette fois, je la tiens ! »

Il se mit à galoper, et bientôt il atteignit Ifara.

-Maintenant, je t’aurai ! cria-t-il.

Ifara jeta à terre son balai, criant : « Par ma mère et par mon père, que ce balai devienne un fourré qu’Itrimobe ne puisse pas traverser ! »

Voilà le balai qui s’allonge, qui grossit, et qui devient un énorme fourré !

Mais Itrimobe enfonça sa queue pointue dans le fourré et se fit un chemin et il cria :

-Maintenant, je t’aurai, Ifara !

Ifara jeta l’œuf à terre, en criant :

« Par mon père et par ma mère, que cet œuf devient un étang qu’Itrimobe ne puisse pas traverser ! »

L’œuf se cassa et devint un étang très profond.

Mais Itrimobe se mit à boire l’eau et quand l’étang fut à sec, il passa et cria :

A présent, je t’aurai Ifara !

Alors Ifara jeta son bâton à terre, en criant : « par mon père et par ma mère, que ce bâton devienne une forêt qu’Itrimobe ne puisse pas traverser ! »

Le bâton devint une forêt dont toutes les branches s’entrelaçaient. Mais Itrimobe coupa les branches avec sa queue jusqu’à ce qu’il ne restât plus un arbre debout. « Maintenant, je t’aurai, Ifara ! »

Mais Ifara jeta un caillou roulé à terre en criant : « Par mon père et par ma mère, que ce caillou devienne une barrière de rochers ». le caillou grossit, grandit, et devint un rocher perpendiculaire, et il fut impossible à Itrimobe de le gravir. Alors, il cria : « Tire-moi en haut, Ifara, je ne te ferai point de mal ».

-« Je ne te tirerai pas en haut, si tu ne plantes d’abord ta sagaie dans la terre », dit Ifara. Itrimobe planta sa sagaie dans la terre, et la bonne Ifara commença à le tirer en haut avec une corde. Mais, quand il fut près du bord, il cria : «  En vérité, en vérité, je t’aurai à présent, Ifara ! »

Ifara fut si effrayée qu’elle lâcha la corde et Itrimobe toma juste sur sa sagaie, où il s’empala. Ifara ne savait plus où trouver son chemin et s’assit en pleurant. Bientôt un corbeau vint se poser près d’elle et elle lui chanta :

« Joli corbeau, joli corbeau,

Je lisserai tes plumes noires

Si tu veux m’emporter avec toi

Vers le puits de mon père ».

Non, dit le corbeau, je ne t’emporterai pas ; tu n’aurais pas dû raconter que je mangeais des arachides vertes !

Il vint ensuite un milan, et elle lui chanta :

« Mon beau milan, mon beau milan,

Je lisserai tes plumes grises

Si tu veux m’emporter avec toi

Vers le puits de mon père ».

Non, dit le milan, je ne t’emporterai pas. Tu n’aurais pas dû raconter que je mangeais des rats morts.

La pauvre Ifara regrettait bien d’avoir été si bavarde, et elle pleurait amèrement, quand elle aperçut un joli pigeon bleu qui roucoulait : « reou, reou, reou » et elle lui chanta :

« Joli pigeon, joli pigeon,

Je lisserai tes plumes bleues,

Si tu veux m’emporter avec toi

Vers le puits de mon père ».

Reou ! reou ! reou ! Viens, jeune fille, roucoule le pigeon bleu. J’aime à prendre pitié de ceux qui souffrent. Et il l’emporta vers le puits de son père et la posa sur un arbre, juste au-dessus de la source.

Elle n’y était pas depuis longtemps quand leur petite esclave noire vint puiser de l’eau, et, en se penchant, elle vit comme dans un miroir le visage d’Ifara dans le puits, et elle crut voir sa propre figure.

-Vraiment ! pensa l’esclave, je suis bien trop jolie pour porter cette vilaine cruche !

Et elle jeta la cruche par terre et la brisa, pendant qu’Ifara criait :

-Mon père et ma mère dépensent-ils leur argent  à acheter des cruches pour que tu les casses ?

L’esclave regarda partout autour d’elle, mais ne vit personne et retourna à la maison.

Le lendemain matin, elle revint avec une autre cruche et, voyant la figure d’Ifara dans l’eau, elle cria :

-Non, jamais plus je ne porterai de cruche, je suis bien trop jolie ! et elle cassa encore sa cruche.

Mais Ifara chanta de nouveau :

-Mon père et ma mère dépensent-ils leur argent à acheter des cruches pour que tu les casses ?

L’esclave regarda de tous les côtés, et, ne voyant personne, elle courut à la maison, et raconta qu’il avait dans le puits quelqu’un qui parlait avec la voix d’Ifara

Le père et la mère se mirent à courir, et quand Ifara les vit elle descendit de l’arbre, et ils pleurèrent de joie de se retrouver. Les parents d’Ifara furent fâchés contre leurs deux aînées qu’ils chassèrent de la maison et vécurent heureux avec Ifara.

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R
Enfin un log qui regroupe beaucoup de nos contes et légendes!! Bon courage en tout cas pour ce que tu entreprends parce qu'il y a un réel besoin. Par contre j'aimerais savoir si tu pouvais me diriger vers un lien où je pourrais les trouver en version malagasy? :-) <br /> Merci pour tout.
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