Manjarimana.

Publié le par Alain GYRE

 

MANJARIMANA.

 

Le roi Andriambahoake du sud tua le roi Andriambahoake du nord. Le vainqueur devint le seul propriétaire de tous les biens du défunt : or, terres, bétail, ustensiles de ménage et de cuisine… Il hérita également de sa femme et de ses enfants : Manjarimana et sa sœur.

Manjarimana et ses demi-frères – les fils d’Andriambahoake du sud – gardaient souvent le bétail au pâturage. Mais chaque fois qu’une bête s’écartait du troupeau, les demi-frères s’acharnaient contre Manjarimana :

-          Ramène-les, Manjarimana ! Si tu ne nous rends pas grand service, tu cesseras de boire notre lait.

Leur mission était parfois de garder un champ d’arachide contre les corbeaux voraces qui déterraient la semence. Chaque fois que les oiseaux tentaient de se poser sur le champ, ses demi-frères contre Manjarimana :

-          Chasse-les, Manjarimana ! Si tu ne nous rends pas grand service, tu cesseras de manger notre nourriture.

Manjarimana et les siens n’étaient que des esclaves au service d’Andriambahoake du sud. Telle était la loi de la guerre. Mais Manjarimana ne savait rien du drame dont les siens avaient été victimes. Sa mère le lui avait caché.

Un jour qu’ils gardaient le champ, Manjarimana se mit soudain à courir sans permission vers le village. Sa mère était en train de tisser à l’ombre d’un arbre feuillu.

-          Mère, j’ai soif, dit l’enfant essoufflé d’avoir couru.

-          La porte est ouverte, répondit la mère. Tu peux boire de l’eau à la maison.

-          Non, mère, je veux que tu m’en apportes, s’obstina Manajarimana.

La mère entra dans la hutte et revint avec une calebasse remplie d’eau froide. Elle découvrit son tissu réduit en lambeaux : Manjarimana l’avait déchiré. La mère s’indigna :

-          Pourquoi as-tu déchiré mon tissu ? Je ne suis pas Andriambahoake du sud qui a tué ton père !

-          Voilà la vérité que j’ai tant cherchée, mais que tu m’as toujours cachée !

Sur ces mots, Manjarimana s’en alla. Il se rendit chez son oncle.

-          Donne-moi un boeuf, oncle.

-          Voici une vache en lactation et son petit.

-          Je n’en ai pas besoin.

-          Voici une génisse.

-          Je n’en veux pas non plus.

-          Qu’est-ce que tu veux, mon neveu ?

-          Je veux un taureau.

-          Prends ce taureau rouge.

Il mena le taureau rouge au champ où il passa la nuit, se nourrissant de manioc grillé.

Au village, l’absence de Manjarimana suscita des interrogations.

-          Je pars à sa recherche, décida Andriambahoake du sud.

-          Le roi s’en alla. Au sommet de la colline dominant le champ où s’était réfugié Manjarimana et son taureau rouge, le roi chanta :

«  Rentre, rentre, Manjarimana,

Rentre au village, rentre.

Ton père a été tué.

Tu vas subir le même sort que lui. »

Manjarimana répondit par ce chant vengeur ;

«  je n’y rentrerai pas sans avoir tué

Celui qui a tué mon père.

Répond, taureau rouge,

Et nous rentrerons ensemble. »

Le taureau rouge meugla. Un gouffre insondable s’ouvrit sous les pieds du roi Andriambahoake du sud qui y fut précipité.

La mère et la sœur de Manjarimana étaient aussi parties à sa recherche. Elles chantèrent le même chant qu’Andriambahoake du sud, mais Manjarimana ne leur répondit pas. Aussi  rentrèrent-elles au village sans avoir trouvé personne.

Plus tard, la femme d’Andriambahoake du sud apparut au sommet de la colline et chanta. Manjarimana et son taureau rouige lui répondirent et elle subit le même sort que son mari. Puis ce fut le tour des enfants du roi. Les Andriambahoake du sud s’entassaient au fond du gouffre de la vengeance. Manjarimana non seulement avait vengé les siens, mais les avait libérés d’un joug inhumain.

Il regagna le village avec son taureau rouge et monta sur le trône.

 

 

 

SAMBO

Adaptation Olivier BLEYS

Contes et légendes Tandroy

L’Harmattan

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article