Conte: Mosa.

Mosa
Un homme était bigame. La grande épouse dont il n’avait eu qu’un enfant s’appelait Betsipongo.
Un jour, la petite épouse invita Betsipongo à déjeuner dans la même assiette qu’elle, au pied d’un grand arbre. Betsipongo accepta l’invitation de sa rivale, la rejoignit à l’ombre et s’assit sur la natte. « Bon appétit ! ».
Mais betsipongo n’avait pas avalé la première bouchée qu’un scorpion la piquait mortellement à la langue. La petite épouse avait enfoui l’insecte à aiguillon venimeux dans la région de l’assiette où se planta la cuillère de Betsipongo.
Mosa, le fils unique de Betsipongo, perdit ainsi sa mère.
Tous les jours, Mosa et ses frères consanguins, les fils de la petite épouse, gardaient le troupeau au pâturage.
L’après-midi, sur le chemin du retour, tandis que les frères rentraient au village, l’orphelin derrière le troupeau, chantait ;
« Ils courent, ils courent mes frères,
Leur mère est là,
Je cours, je cours,
Ma mère n’est pas là.
Si Betsipongo était vivante, elle m’appellerait :
O, Mosa ! »
A la maison, la petite épouse ne servait que ses enfants. Mosa, lui, était obligé d’attendre les reliefs de patate ou de manioc laissés dans l’assiette par ses frères.
- Mange ça ! ordonnait la petite épouse.
L’orphelin rechignait à prendre la cuillère.
- Mange ça ! Crois-tu que ta part soit encore dans la marmite ?
Il obtempérait. Tous les jours ainsi, tous les jours ainsi, pendant que le père s’attardait au champ.
- Ce supplice est insupportable, il prendra bientôt fin… se disait Mosa.
Et il élabora secrètement un plan de vengeance.
A la maison, l’après-midi, rien ne changeait : toujours les mêmes brimades, toujours les mêmes restes servis au repas.
Devant la mauvaise volonté légitime de Mosa, toujours la même insistance de la petite épouse :
- Mange ça ! Crois-tu que ta part soit encore dans la marmite ?
Un jour l’orphelin répondit :
- Tu ne cesse de râler. Ne sais-tu pas que l’ai appris par deux voyageurs la mort de ton père ?
En apprenant cette terrible nouvelle, la petite épouse sortit de la maison, puis du village, pour pleurer selon la coutume.
La femme s’enveloppa dans son lamba, s’agenouilla, les deux coudes contre le sol comme un soldat en train de faire marche-crocodile et se mit à sangloter bruyamment.
A ce moment, Mosa prit la sagaie paternelle, s’avança vers elle et la lui planta avec rage dans le dos. Le sang gicla. La femme mourut sur-le-champ et Mosa fut vengé.
Alors, il se dirigea vers la maison et déclara solennellement à ses frères consanguins :
- Nous sommes maintenant égaux. Ni vous ni moi n’avons plus de mère. Que chacun lutte pour vivre. Tant pis pour le lâche.
Contes et légendes Tandroy
SAMBO adaptation Olivier BLEYS
L’Harmattan