2012-09-14 Des migrations bénéfiques pour les travailleurs

Publié le par Alain GYRE

Des migrations bénéfiques pour les travailleurs

Depuis longtemps et même avant la colonisation, il est constaté que parmi la population malgache, il existe des groupes ethniques migrateurs. Certains le font de manière temporaire, tels les Antesaka et les Antemoro du Sud-est ainsi que les Antandroy et les Mahafaly dans l’Extrême-sud ; d’autres migrent de manière définitive, tels que les Merina et les Betsileo du Centre et les Antanosy du Sud-est.
Les migrations temporaires sont, d’après Raymond Decary, administrateur en chef des Colonies, et Rémy Castel, administrateur-adjoint, des travailleurs volontaires qui partent de leur village avec ou sans contrat.
« L’expatrié, sous la condition qu’il soit traité convenablement, fournit un rendement très
acceptable ».
Précision nécessaire après un antécédent : en 1930, une grève d’Antandroy se produit sur un « toby » (campement) forestier près de Moramanga. Sans explication « valable », ils décident de rentrer chez eux, coûte que coûte, malgré toutes les peines de prison qui pourraient leur être infligées pour rupture de contrat. Après d’interminables discussions, ils finissent par avouer le véritable motif de
l’incident.
Lors du recrutement, on leur a promis qu’ils logeraient dans des cases individuelles, ce qui a décidé nombre d’entre eux à amener leurs femmes. Mais arrivés au « toby », ils sont cantonnés dans de grandes paillotes collectives où « l’isolement conjugal » leur est impossible. Ce qui explique ce mécontentement qui se traduit par le refus du travail. « La cause étant connue, il fut facile d’arranger les choses ».
Grâce à l’aide des migrants, le développement de bien des exploitations peut se faire et qui, sans elle, aurait périclité. Ce n’est pas aux seules entreprises agricoles que leur appoint se révèle précieux. Il est aussi requis dans celles qui parsèment la Colonie : sucreries de Namakia, féculeries du Sambirano, placers aurifères de la région de Mahajanga, exploitations de graphite de la côte orientale, exploitations forestières des environs de Moramanga, etc.
Même les Hauts-plateaux profitent de ces migrations, même de durée relativement courte. « La colonisation de la région (de Miarinarivo) dispose d’une main-d’œuvre à peine suffisante ; elle rencontrerait de grandes difficultés si des Betsileo, Antandroy et Antemoro (Antesaka) ne venaient chercher du travail. Les gens de passage arrivent par groupes au mois d’août pour entreprendre les travaux des champs (labours, ensemencements) importants à cette époque, puis rejoignent leur pays d’origine vers le mois d’avril ou mai. Ces indigènes sont des travailleurs libres et aucun contrat n’a été enregistré dans nos bureaux »
(« Monographie du district de Miarinarivo », année 1939).
Ces migrations temporaires se traduisent par un important enrichissement de l’émigrant et par un afflux d’argent qui bénéficie en définitive aux régions exportatrices de main-d’œuvre. Libéré des frais de nourriture et de logement, leur salaire constitue un bénéfice net pour les migrants. Ils l’économisent dans sa presque totalité pour les rapporter dans leur village où ils l’emploient à des achats de bœufs ou d’objets destinés à améliorer leurs conditions de vie.
Quant aux migrations définitives, elles permettent de mettre en valeur, pour le compte des migrants eux-mêmes, des parcelles considérables de terres fertiles qui sont en friche avant leur arrivée. Dans l’Ouest et le Sud-ouest, par exemple, les populations sakalava et mahafaly sont extrêmement clairsemées.
En 1940, on compte 1,02/km2 de population autochtone dans le district de Marovoay, 0,82/km2 dans celui de Manja, 3,65/km2 dans celui de Toliara. Ainsi, sans les immigrés, il aurait été impossible de récupérer des terres à riz ou à pois du Cap cultivées. De même, les exportations de produits de l’Ouest seraient loin d’atteindre les chiffres d’avant-guerre.
Enfin, certains immigrés se livrent au commerce, concurrençant ainsi les Asiatiques, Hindous et Chinois, et freinant les bénéfices abusifs dont souffrent les populations autochtones.

Pela Ravalitera

Vendredi 14 septembre 2012

L’Express

Publié dans Notes du passé

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