Le héron ardoisé, ordinaire mais si particulier

Publié le par Alain GYRE

Le héron ardoisé, ordinaire mais si particulier

 

Autrefois à Imerimanjaka, les marais de la belle propriété du fameux Callixte Razafy- il collectionnait de nombreux qualificatifs étant très lié aux Vazaha, dont le moindre est « franc-maçon », ce qui sous-entendait dans l’esprit du commun des Malgaches « mpaka fo », voleur de cœur ou de sang- ces étangs donc constituent un véritable sanctuaire pour toutes sortes d’oiseaux du plus haut intérêt pour la science. Propriété qui est, du reste, « une excellente chasse au canard et une pêche réputée » (PH. Milon, chroniqueur photographe, 1946).
Parmi ces nombreux oiseaux, on rencontre le héron ardoisé et le crabier blanc, qui s’établissent dans les grands « zozoro », le nid du premier se distinguant nettement de celui du second car il est plus solide, plus épais et plus confortable. Le héron ardoisé est un bel oiseau d’un bleu ardoisé comme son nom l’indique. Il est à peu près de la taille du « vorompotsy », le garde-bœuf ou pique-bœuf, des rizières. Son bec et ses pattes sont noirs et ses pieds d’un jaune orangé vif qu’on voit très bien quand l’oiseau vole.
Ordinaire dans son plumage, c’est dans le domaine de son comportement « qu’il y a de passionnantes observations à faire, et peut-être des découvertes ». Le héron ardoisé, oiseau typique malgache, porte un nom qui lui est affublé du fait de son mode de pêche très curieux : « salobokomana », qui mange caché. Et c’est l’un des spectacles les plus communs des rizières des environs d’Antananarivo que d’y voir un groupe de ces oiseaux pêchant dans l’eau peu profonde.
L’observateur avisé qu’est Ph. Milon ne manque pas de décrire leur manie. « De loin, ils paraissent tout noirs; ils font quelques pas, semblent observer dans l’eau et, soudain, étendent leur ailes en avant et par-dessus la tête, ce qui forme une sorte de cloche sous laquelle ils pêchent. Ils restent ainsi quelques instants, le temps de quelques coups de becs et relèvent la tête en fermant les ailes; s’ils ont pris quelque petit poisson ou animalcule, on les voit l’avaler à ce moment-là. Ils recommencent indéfiniment leur manège.
Ils sont parfois seuls ou par deux, mais le plus souvent pêchent de concert par groupe d’une dizaine à une centaine d’oiseaux qui « semblent animés d’une certaine émulation et sont réunis sans doute autant par la force d’un instinct grégaire que par l’abondance de la pâture au lieu choisi ». Ce mode de pêche, à l’ombre de ses ailes, doit lui procurer certains avantages : meilleur visibilité en raison de la suppression du reflet sur l’eau, peut-être aussi capture plus facile des petits animaux gênés par l’ombre… « Quoi qu’il en soit, cela dénote une évolution très poussée et, dans toute l’innombrable tribu des pêcheurs, il est à notre connaissance le seul à agir ainsi ».
En fait, son mode de pêche n’est pas le seul trait curieux du héron ardoisé. En janvier-février, il revêt son plumage de noces : de longues plumes ornementales à reflets métalliques parent sa nuque, son dos et son plastron. Il en fait étalage en toutes sortes de parades amoureuses et en joutes d’intimidation aux abords de son nid.
En outre, sur les nids on trouve parfois en l’absence de l’oiseau des feuilles d’eucalyptus qui protègent les œufs des trop vifs rayons du soleil et surtout des regards du busard qui rôde. En général, la ponte est de « quatre beaux œufs d’un bleu verdâtre » que les oiseaux couvent avec beaucoup d’assiduité. Le passage, à proximité du nid, d’un crabier, d’un bihoreau, d’un ibis ou de tout autre habitué de la colonie, provoque aussitôt, de la part du héron ardoisé nicheur, « une ardente parade où il baisse la tête, ouvre le bec, ébouriffe ses plumes ornementales, ouvre les ailes. « On lui voit souvent prendre une attitude qui rappelle étrangement sa curieuse attitude de pêche ».
D’après Ph. Milon, ce petit héron si commun autour de la capitale est familier avec l’homme. Pourtant, les quelques ouvrages qui traitent des oiseaux de la Grande île ne le signalent pas sur les Hauts-plateaux. Il semble que son arrivée en nombre dans la région remonte à autour de 1935 et qu’elle coïncide avec une forte diminution du nombre des « vorompotsy ».

Pela Ravalitera

Jeudi 16 août 2012

L’Express

Publié dans Notes du passé, Histoire

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