Conte: Pourquoi les caïmans mangent les chiens

Publié le par Alain GYRE

 

 

Pourquoi les caïmans mangent  les chiens (1).
(Antambahoaka)

 

Il y avait, dit-on, un chien très aimé de ses parents et pour lequel ces derniers avaient acquis de nombreux territoires de chasse.

Le chien les vit mourir peu après et en fut très affligé.

Sa douleur devint si grande que ne pouvant plus vivre dans cet état, il résolut de se donner la mort, en allant se placer au bord d'une rivière pour se faire happer par un caïman.

Mettant ses projets à exécution, il se posa sur la berge d'un cours d'eau, assez éloigné de son village, puis se mit à crier :

« Eh ! caïman de la rivière ! Eh ! caïman qui habite dans cette eau! mange-moi, j'ai assez vécu, je veux mourir, je veux aller rejoindre mes parents. »

Les caïmans en entendant l'appel du chien s'approchèrent immédiatement de la rive.

Celui-ci se tenait sur une petite éminence.

Les caïmans l'invitèrent à descendre dans l'eau.

Mais il reculait au contraire, car la vie est une douce chose (2)et il est dur de la quitter:

« Pourquoi recules-tu, lui dirent les caïmans? »

« Mais non, je m'approche au contraire », répondit le chien; et il s'avança résolument de leur côté.

Les caïmans le voyant descendre la berge, se précipitèrent à sa rencontre pour le manger; mais le chien leur tourna le dos et s'enfuit dans la direction opposée(3).

Chemin faisant le chien leur cria :

«O caïmans, vous désirez trop me manger; vous ne m'aurez pas cette fois-ci.»

Les caïmans étaient fort en colère d'avoir été trompés de la sorte.

Ils ordonnèrent à leurs enfants de dévorer désormais tous les chiens qu'ils rencontreraient pour les venger de la supercherie dont ils avaient été victimes.

Voilà pourquoi les caïmans mangent les chiens.



(1) Le texte de ce conte m'a été dicté par un. Antambahoaka de Mananjary.

(2) L'aphorisme mamy ny aina, la vie est douce, est d'un emploi très fréquent dans les conversations des indigènes dont l'idéal ne dépasse guère la possession des choses les plus indispensables à la vie. La réalisation facile de leurs désirs permet aux Malgaches de jouir souvent, et en toute vérité, des douceurs de la vie.

(3) Les chiens malgaches emploient le moyen suivant, racontent les indigènes, pour éviter d'être pris par les caïmans en traversant les rivières : ils s'approchent de l'eau et se mettent à aboyer pendant quelques minutes afin d'attirer sur ce point, tous les caïmans des environs. Puis, ils galopent le long de la berge et traversent la rivière deux ou trois cents mètres plus loin. On affirme qu'ils arrivent toujours sans accident sur la rive opposée.
 

 

Contes populaires malgaches

Recueillis, traduits et annotés par

Gabriel FERRAND

Editeur : E. Leroux (Paris) 1893

 

 

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