Rezatovo et Papangofitoloha.

Publié le par Alain GYRE

 

Rezatovo et Papangofitoloha.

Rezatovo et l’homme à sept têtes.

 

Il faisait nuit. Rezatovo et sa femme dormaient. Mais à minuit, la femme se réveilla, secoua son mari et dit :

-          J’ai envie de sortie.

-          Je ne peux pas t’accompagner, répondit Rezatovo. Je suis épuisé.

La femme sortit seule. Mais à peine eut-elle enjambé le seuil de la porte que Papangofitoloha la prit par la main et l’emmena chez lui. La sensation de fatigue qu’avait éprouvée Rezatovo était l’effet de l’amulette connue sous le nom de « fandemelahy » (1), jetée contre lui par Papangofitoloha.

En se levant le lendemain, soulagé de l’effet paralysant du fandemelahy, Rezatovo s’aperçut que sa femme avait été enlevée. Mais par qui ?

Il se rendit à la maison de sa mère. La vieille femme aux cheveux blancs était en train de tisser. Mais Rezatovo déchira le tissu avec un couteau tranchant. La mère dit en s’emportant :

-          Pourquoi gâches-tu mon ouvrage ? Suis-je Papangofitoloha qui a emporté ta femme ?

C’est ainsi que Rezatovo apprit que Papangofitoloha était l’auteur de l’enlèvement. Rezatovo prit le chemin menant au village de Papangofitoloha, son « ampingaratse » (2) en bandoulière. En pleine brousse, il rencontra un troupeau gardé par trois bouviers.

-          A qui appartient ce troupeau ? demanda Rezatovo.

-          A Papangofitoloha. Nous sommes ses serviteurs, répondit l’un des trois jeunes gens.

Rezatovo prit l’un d’eux par le bras et le fit tournoyer en l’air jusqu’à ce que la peau se détachât du corps. Il se vêtit ensuite de la peau du pâtre, rejoignit les deux autres bouviers et s’occupa avec eux du troupeau en les avertissant de ne rien dire à leur maître. Plus tard, ils rentrèrent au village.

Le programme du lendemain était le repiquage du riz de l’homme à sept têtes. Tout le monde dut se rendre à la rizière – les hommes pour piétiner la boue, les femmes pour repiquer-, sauf celui qui devait garder les veaux et, par chance, cette tâche fut assignée à Rezatovo déguisé en esclave.

En pleine brousse, Rezatovo fit demi-tour, délaissant les veaux qu’il gardait. Au village, il trouva sa femme que Papangofitoloha avait laissé :

-          J’ai faim. Y a-t-il de quoi manger ?

La femme lui servit une assiettée de riz fumant sans le reconnaître. Après le déjeuner, Rezatovo se défit de la peau du pâtre et apparut à sa femme qui sursauta. Mais aussitôt, sa surprise laissa place à la joie.

-          Partons ! dit Rezatovo.

Le couple prit le chemin du retour.

Au cours de l’après-midi, le travail du riz s’acheva. Les travailleurs regagnèrent le village. Papangofitoloha s’aperçut alors que sa nouvelle femme s’était enfuie. Il s’élança à sa poursuite, son « ampingaratse » à la main. En pleine brousse, il découvrit que sa femme n’était pas seule, mais accompagnée de son véritable mari. A la vue de Papangofitoloha, Rezatovo s’empara lui aussi de son arme qu’il avait cachée dans une touffe d’herbe au moment de prendre son déguisement de serviteur. Un combat allait avoir lieu. Quand Papangofitoloha fut assez proche pour l’entendre, Rezatovo prononça ces mots :

-          Si cette femme est tienne, mon tir sera eau, le tien feu. Par contre, si elle est mienne, mon tir sera feu, le tien eau.

Un coup de feu partit. Ce fut l’homme à sept têtes qui tira le premier : un coup manqué. Rezatovo riposta, appuya sur la détente et fit mouche. Une des sept têtes de Papangofitoloha vola en éclats. Il lui en restait six. Pourtant Papangofitoloha cria :

-          Je t’abattrai avant que tu ne viennes à bout de toutes mes têtes !

Il déchargea une balle contre Rezatovo ; encore un coup pour rien… alors que la riposte précise de Rezatovo atteignit sa cible. Une seconde tête s’envola avant de tomber brûlée sur le sol. Deux tirs furent échangés, une nouvelle fois en faveur de Rezatovo. Ainsi de suite, jusqu’à la dernière balle qui décapita définitivement Papangofitoloha en le privant de sa septième tête. Papangofitoloha s’affaissa.

Rezatovo regagna son village avec sa femme reconquise.

 

 

(1) littéralement : qui affaiblit l’homme.

(2) genre de fusil traditionnel.

 

SAMBO

Adaptation Olivier BLEYS

Contes et légendes Tandroy

L’Harmattan

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