Conte: Tahina
Tahina
Il était une fois dans un petit village malgache, une grande famille avec quatorze enfants. Le petit dernier qui s’appelait Tahina était un enfant doux et rêveur, un enfant à part. il était régulièrement la risée du village et des autres membres de sa famille.
Tahina allait jouer régulièrement au bord du grand lac, situé à quelques kilomètres du village. Là il pouvait passer des heures à se baigner et à courir au milieu d’une nature sauvage qui n’avait plus aucun secret pour lui, loin des regards indiscrets.
Un jour il avait trouvé au bord du lac un œuf « énorme et tout blanc ». Tahina l’avait aussitôt pris pour aller le déposer secrètement dans une petite grotte. Là il avait pris soin de recouvrir son œuf avec quelques branchages
Chaque jour Tahina venait s’asseoir dans la grotte et il saisissait contre lui son ami l’œuf. Il le caressait tendrement de la main comme pour le polir un peu plus. Il allait même jusqu’à poser son doux visage contre la coquille et là il lui confiait tous ses secrets d’enfant. Il lui chantait des chants d’Amour et parfois il s’endormait dans cette étreinte.
Un jour Tahina n’avait plus retrouvé son œuf. Il l’avait cherché partout de longues heures durant, sans succès. Alors Tahina était venu s’asseoir devant le grand lac et là il avait laissé couler toutes ses larmes si longtemps contenues. Son chant, le chant à son ami œuf, s’était élevé remplissant tout l’espace.
Tahina s’était arrêté soudain de chantonner devant le frémissement à la surface du lac, quelque chose semblait gronder sous l’eau ! Quelque peu effrayé Tahina s’était levé, reculant de quelques mètres, le regard rivé à la berge.
Et là il l’avait vu sortir du lac, majestueux, un « énorme zébu, tout blanc » avec d’immenses cornes. De mémoire d’enfant il n’avait jamais vu un tel animal, dans aucun troupeau de la région.
Tahina ne bougeait plus tandis que le zébu semblait se diriger inévitablement vers lui. Arrivé devant l’enfant, l’animal avait senti Tahina, parcourant tout son visage avec son museau avant de finir par incliner la tête devant le petit garçon. Là Tahina avait libéré un geste retenu depuis si longtemps, il avait passé ses bras autour du cou du zébu sans réfléchir, collant son visage à cet ami venu de nulle part.
Chaque jour Tahina venait voir son ami le zébu blanc au bord du lac et là dans un rituel il se mettait à chanter pour appeler celui qui surgissait à chaque fois de cette immense étendue d’eau. Ils passaient ainsi des heures ensemble jusqu’au coucher du soleil.
Au bout de quelques temps tout le village avait été intrigué par les absences régulières de Tahina. Un jour ils avaient tous décidés de le suivre à son insu. Et là les habitants cachés derrière les buissons l’avaient vu, ils étaient restés tous médusés ! Tahina et ce zébu qui n’appartenait à aucun membre du village… A cet instant ils avaient commencé à nourrir un projet.
En accord avec les parents de Tahina, le Chef du Village avait décidé d’envoyer l’enfant dans une famille habitant un village situé à quelques jours de marche. L’enfant obéissant en tous points avait accepté. Le cœur brisé cependant par cette absence jugée trop longue à son goût. Il avait songé dans l’instant à son ami.
Les villageois en avaient profité pour se saisir, sans grande difficulté, de l’animal. Ils s’étaient tous écriés lors de leur prise : « Le zébu, il est comme Tahina ! ». Et tout le monde avait ri sur ce qui semblait être une évidence. Le zébu avait été tué rapidement puis il avait été mangé par les villageois, dans une fête improvisée.
A son retour Tahina avait été accueilli, à sa grande surprise, par tous les villageois. Femmes, hommes et enfants venaient tour à tour l’embrasser puis lui parler aimablement. Il avait été fêté comme l’enfant du village.
Pendant plusieurs jours Tahina avait cherché son ami en bordure du lac. Il avait marché des heures et des heures durant pour le chercher, l’appelant de toutes ses forces mais sans succès. Il avait été jusqu’à plonger au fond de ces eaux limpides qui l’attiraient tant.
Il revenait plus triste chaque jour au village. Tahina s’alimentait de moins en moins et tout le village s’inquiétait : « Tahina ne veut plus aller au lac ! Tahina ne veut plus aller au lac ! ». ils étaient tous accourus auprès de l’enfant avec leurs mensonges. Ils avaient été jusqu’à saisir Tahina par les épaules avec énergie. La tête de Tahina dodelinait…et il les avait regardés avec un sentiment qui les avait tous troublés dans l’instant.
Tout le village s’était retiré à l’issue de la visite. Dans chaque case les femmes, les hommes et les enfants avaient eu du mal à trouver le sommeil. Ils s’étaient tous dits : « Nous aurions dû dire toute la vérité à Tahina et lui demander pardon ». Jamais la nuit ne fut aussi longue et aussi difficile à passer pour tous les habitants.
Au cours de cette même nuit Tahina avait décidé de rassembler ses dernières forces. Il avait décidé de retourner au lac. Il avait remercié son amie la lune pour l’avoir éclairée en chemin.
Il était arrivé au lac et là comme à son habitude il s’était assis. Il avait laissé couler à nouveau toutes ses larmes. Son chant s’était élevé, emplissant tout l’espace.
A l’appel du chant il était sorti à nouveau de l’eau et il s’était approché de Tahina. Jamais l’enfant ne l’avait trouvé aussi beau qu’à cet instant, son ami le zébu blanc.
Pour la première fois le zébu s’était mis à parler le langage des hommes : « Tahina ! Yahina, je suis né de toi, je suis ton œuf. Tahina ! Tahina ! Mon Petit Frère ». Alors le zébu s’était couché à même le sol. Là Tahina avait abandonné ses dernières forces en s’allongeant sur le dos du zébu, passant ses bras à nouveau autour du cou de son ami. L’animal s’était relevé et ils avancèrent ensemble vers les profondeurs du lac tandis que Tahina avait entonné son plus beau chant d’amour pour cet ami qui n’avait pas voulu repartir sans lui.
Depuis ces temps anciens tous les villageois se rendent désormais au lac « Sacré » et là ils invoquent Tahina pour lui demander de bien vouloir leur venir en aide. Les anciens disent qu’ils aperçoivent parfois Tahina, souriant sur son beau zébu blanc.
Contes et légendes malgaches
Traduits et adaptés en langue française par PREV’ACT/MIARA-DIA