Tout un rituel pour ériger le "Fisokina"

Publié le par Alain GYRE

Tout un rituel pour ériger le « Fisokina »

 

Le « Fisokina » considéré par Jean Devic comme un monument et symbole qui personnifie les ancêtres particuliers à chaque clan, s'érige sous plusieurs dispositions au milieu du village. Sa destruction, même naturelle, a aussi un sens. (lire précédente Note).
Lorsque apparaît la nécessité d'ériger un nouveau « Fisokina »,« lorsque le mois s'y prête, lorsque la lune se trouve dans ses deux premiers quartiers, alors les hommes du clan, la hache sur l'épaule ou le coutelas en main, se rendent en forêt pour abattre, selon un rituel préalable, l'arbre déjà reconnu valable par le chef de lignée ». Ce bois choisi doit être dur et autant que possible dense et imputrescible.
Avant d'entamer le tronc, il convient de faire libation de boisson fermentée à la terre, à l'arbre et aux esprits en demandant la permission et en indiquant le motif de l'intervention, sans omettre les excuses de rigueur.
L'arbre est écorcé sur place et sa fourche terminale taillée en pointes acérées. Autrefois, dit-on, tout un rituel devait être respecté sur le choix du bois, la manière de le tailler et de le transporter.
Dans les cas d'urgence, un simple pieu taillé en pointe, le « Teza », supplée le bois fourchu. La raison en est simple. Soit on n'a pas eu le temps d'aller en forêt faire le choix indiqué; soit on entend user d'un monument de classe inférieure, mais toujours suffisante, pour une occasion rituelle imprévue ou de moindre importance.
C'est le cas lors de l'inauguration d'une école publique à Antanambao-Mahatsara, en juillet 1955. Le notable Botomasiaka, chef de clan, estime qu'il suffit pour cela d'employer l'une des grosses poutres inutilisées dans la charpente scolaire et de la sculpter scrupuleusement en formant une embase carrée. « Peut-être, analphabète qu'il était, voulut-il
marquer ainsi que cette école était en dehors des préoccupations ancestrales».
Cet exemple explique, au hasard des villages, des « Fiso­kina» dissemblables d'aspect. Ils sont droits ou tordus, rudimentaires ou perfectionnés, mal équarris ou soigneusement sculptés.
Toutefois, la raison de cette « médiocre tenue » des « Fisokina » peut être aussi bien l'ignorance et l'absence de sculpteurs qualifiés que la simple négligence.
Pour les connaisseurs respectueux de la tradition, un « Fiso­kina» « devrait être entièrement sculpté dans la masse d'un arbre énorme. Le fût à la base des fourches devrait être cylindrique, les deux cornes taillées d'une seule pièce en forme de lyre et de telle manière que leur base déborderait en abaque excédant très sensiblement le diamètre du fût ».
Jean Devic voit de tels monuments à Fiadanana, Ampasi­mazava, Antanambao-Manam­potsy.
Et pour que cela soit au plus haut degré de respect envers les traditions, le transport du bois sculpté doit se faire dans une procession de femmes qui, comme à Sahafisaka, avancent au chant enthousiaste d'hymnes à la gloire des ancêtres et du taureau méchant (bœuf aux cornes acérées pour désigner aussi le « Fisokina ».)
Tout en rythmant leur course de vive allure par ces chants, frappant le sol en alternant les pieds, infléchissant le torse en avant, puis en arrière, elles progressent de quelques pas, s'arrêtent net et rétrogradent légèrement, puis repartent de plus belle en courant.
« Le tout fut effectué trois fois en tournant autour du trou profond dont la cavité de plus d'un mètre attendait l'implantation du monument ».
Pour compléter ce rituel, la préparation des bucranes destinés à y être fixés requiert également de la dextérité et de la pratique.
« La partie occipitale doit être séparée de la partie frontale antérieure: celle-ci doit être sectionnée bien au-dessus des mâchoires et vers le milieu de l'os nasal, toutes les parties charnues ou corruptibles doivent être soigneusement éliminées avant que le bucrane ne soit prêt à être transpercé de la pointe fourchue ».
Nul ne doit plus toucher aux ossements ainsi fixés. S'ils se désagrègent et tombent au pied du « Fisokina », la coutume stipule qu'il faut les y laisser!
Les Betsimisaraka, Tsitambala ou Betanimena sacrifient aux ancêtres aussi souvent qu'ils le peuvent , car pour eux sacrifier c'est aussi manger de la chair fraîche. Toutefois quel que soit leur vif désir, il leur est contre-indiqué de l'organiser très rapidement parce qu'il est « malséant de convoquer les personnes invitées à terme si bref ».

Pela Ravalitera

Mercredi 14 mars 2012

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Publié dans Notes du passé, Histoire

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