Conte: Ivondrombolo
Ivondrombolo
Fable Betsimisaraka
Recueillie à Mahatsara (province d'Andevoranto).
Un jour, dit-on, Ivondrombolo s’en alla dans la forêt faire un défrichement ; quand les arbres furent abattus et qu’il ne restait plus qu’à les brûler, il se rendit au milieu du tavy et cria :
« Eh ! vous ancêtres, ainsi que tous les êtres présents dans ce tavy, je vais brûler ce tavy et je tiens à vous en avertir. Partez en emmenant vos petits, ainsi que les faibles et les vieux, autrement vous flamberiez, et ensuite vous en arriveriez à me rendre malade ou à faire en sorte que mon riz ne pousse pas! Ainsi partez ! »
Alors les êtres du tavy quittèrent tous la place, à l'exception de Ramambabe (1), énorme boa trois fois gros comme un homme.
La femme de Ramambabe l’appela vainement:
«O mon mari, mon mari, ôte-toi de là; car Ivondrombolo va mettre le feu à son tavy ; je t’en préviens.
- Je saurai me défendre, femme, je saurai me défendre », répondit-il en faisant tournoyer son fanantana (2) et en gonflant son ventre blanc ;
« moi Ramambabe je ne partirai pas, je veux rester ici. »
Le père de Ramambabe ainsi que sa mère et ses aïeux, l’invitèrent aussi à quitter la place, mais il s’y refusa. Les autres serpents, comme le menarana , Yantoliolena, le maroandavaka, le tapatononama , Yantsiririatra , le supplièrent à leur tour, mais à chacun il fit la même réponse.
Tous alors s'enfuirent au plus vite et Ivondrombolo mit le feu au tavy. Quand Ramambabe vit la fumée monter en l’air, il cria de sa voix la plus forte :
« C’est une muraille de fer, mes amis, c’est une muraille de fer qu’il me faut. »
Et avec du bois et des herbes sèches il construisait sa muraille. Ivondrombolo cependant continuait de répandre le feu dans le tavy et se disait :
« Tant pis pour lui, s’il flambe, je l'avais invité à se retirer. »
Quand le feu gagna la muraille de Ramambabe, le monstre s’agita violemment pour étouffer la flamme, mais la muraille sur laquelle il comptait fut vite consumée et lui-même fut brûlé ensuite. Son cadavre devint du fumier et fit pousser vigoureusement le riz.
Depuis cette époque, dit-on, si des serpents de l’espèce ankoma ou de l’espèce manditra sont grillés dans un tavy, on prétend que le riz poussera bien, car ces serpents sont les descendants de Ramambabe, qui refusa de se retirer, lorsque ses parents l’y invitaient. Au contraire, si des animaux autres que ces serpents se trouvent brûlés dans le tavy, le propriétaire du tavy risque de tomber malade, s’il ne possède pas des ody puissants pour écarter les revenants; de plus son riz aura chance d’être mauvais.
(1) Ramambabe signifierait proprement « le grand crocodile » ; il s'agit ici de quelque serpent fabuleux, comme l'indique la rédaction même du conte.
(2) Battant du métier de tisserand.
Contes de Madagascar
Charles RENEL