Conte: L'Andriana- fils-d’homme et la fille-d’homme

L'Andriana- fils-d’homme et la fille-d’homme
Conte Merina
Recueilli à Antanctibé {province de Tananarive).
Randrianjanakiniolona partit un jour, dit-on, pour demander comme femme Razanakiniolona.
La jeune fille accepta et ils se marièrent.
Puis l’homme partit pour faire le commerce et recommanda à sa femme de rendre visite à ses père et mère, mais elle lui répondit qu’elle ne le ferait pas avant son retour.
L’homme partit donc, et, sitôt qu’il se fut éloigné, un fils d'Andriamanitra descendit avec l'intention de prendre la femme. Celle-ci ne put le refuser et tous deux s’en allèrent ensemble. Ils traversèrent des cours d’eau, mais sans être mouilles, grâce à la présence du fils d'Andriamanitra.
Cependant Randrianjanakiniolona revint de faire le commerce et aperçut le couple qui s’en allait, il se dit en lui-même ;
« Tiens! n’est-ce pas Razanakiniolona que je vois là-bas ? »
Il demanda alors à Iketaka : « Où est allée ma femme ?
- Je ne sais; je ne l’ai pas vue, répondit l’esclave. »
Alors il ôta toutes ses parures et se mit à la poursuite du couple
Il arriva au bord d'une rivière et les vit de l’autre côté à l’Ouest, et il fit cet appel :
« Razanakiniolona, ohé! Razanakiniolona! ohé! »
Razanakiniolona dit alors au fils d’Andriamanitra : « Retournerai-je avec lui, Seigneur ?
- Vous pouvez partir, » répondit-il ; et la femme s’en alla.
Quant elle fut près de son mari, elle lui dit : « Reprenez-moi, Seigneur. »
Et il la reprit, et lui dit : « Allons jouer au pied de l’arbre Seva ».
ls y allèrent donc ; mais quand ils y furent arrivés, l'homme s’écria;
«Tu te figures peut-être que je vais te laisser vivante ? Tu mourras! »
Et il la menaça de son couteau.
« Laisse-moi me coucher par terre, implora la femme, laisse-moi m’étendre sur le dos.
- Je n’ai pas le temps d’attendre.
- Laisse-moi au moins regarder encore un peu l’œil de mon dernier jour. »
Elle regarda le soleil, puis il lui coupa le cou, et la femme fut morte.
Alors le fils d’Andriamanitra s’approcha du cadavre; il construisit un enclos, et il envoya le souffle vers les parents de la morte, et le souffle, principe de vie, appela.
Or il y avait dans la cour un [enfant] qui gardait le riz [pour que les bêtes ne le mangent pas ; il s’écria tout à coup ; « Maman! Maman! J’entends comme la voix de ma sœur aînée!
- Tais-toi !Tais-toi, mauvais enfant, n’évoque pas l'âme de ma fille.
- Je l’entends, je l'entends, ne crois pas que ce soit un mensonge. »
La mère sortit, elle écouta et elle entendit la voix de sa fille.
L’âme disait : « Réunissez tous mes menakely (serfs) »
On les réunit et ils s'en allèrent, sous la conduite de l’âme, jusqu’à l’enclos.
Le fils d’Andriamanitra, qui était resté là, dit alors : « Que le père et la mère de Razanakiniolona entrent dans l’enclos! »
Puis il ajouta. « Taisez-vous, si vous voulez qu’elle revienne à la vie. »
Le fils d’Andriamanitra dit enfin ; « Si Je suis né d’un père Andriana, si je suis né d’une mère Andriana, il faut que le soufHe (principe de vie) [de cette femme] re¬ vienne ici. »
Il dit encore :« Razanakiniolona, pourquoi ne remues-tu pas ? »
Et elle remua. « Razanakiniolona, pourquoi ne te lèves tu pas? »
Et elle se leva.
« Qu’on lui prépare de la soupe de riz bien blanc! »
Quand on la lui eut préparée, elle la mangea.
« Mange, car nous allons partir. »
Et, après qu’elle eut fini son repas, ils s’en allèrent.
Le fils d’Andriamanitra dit alors: « O mon père! O ma mère! faites descendre des gens pour porter Razanakiniolona ! »
Et ses parents firent descendre huit hommes.
« Faites descendre aussi pour me porter! »-
Et ils firent descendre un animal extraordinaire.
Le couple s’en alla.
Mais voici que leur chemin passait à l'est de la maison de Randrianjanakiniolona. « Oh! Oh ! voilà bien des gens ? Où vont-ils ? »
Et Randrianjanakiniolona, avec les gens de son village, vint au bord du chemin.
« Oh ! Oh 1 Randrianjanakiniolona, dirent les gens, comme elle ressemble à Razanakiniolona, la femme qui est portée en filanzane !
- Taisez- vous ; Razanakiniolona est morte au pied du Seva.
- Vraiment, c’est bien elle, reprirent les gens. »
Le mari] regarda et il vit que c’était vraiment sa femme. 11 attendit au bord du chemin, et, quand le cortège passa, il saisit le filanzana sur lequel était portée Razanakiniolona.
« Déposez à terre ma femme, cria-t-il au fils d’Andriamanitra.
- Ce n’est pas ta femme. Seigneur, répliqua celui-ci.
- C’est ma femme. Tu as sans doute assez de la vie pour oser parler ainsi. —
Ce n’est pas ta femme, Seigneur, mais laisse-nous partir, car nous voici au soir du jour.
- Je dis que c’est ma femme, et que toi, tu as sans doute assez de la vie. »
Mais le fils d’.Andriamanitra s’écria : « Ouste ! le chien! »
Et l’homme devint un chien, et il se mit à aboyer contre les gens qui étaient là.
Puis Randrianjanakiniolona transformé en chien rentra chez ses femmes, mais on lui jeta le manche du balai, et les femmes appelèrent : « Ohé ! les gens ! il y a chez nous un gros chien blanc !
- C’est Randrianjanakiniolona, répondirent les gens; il a voulu se battre avec le fils d'Andriamanitra ; celui-ci a fait ; « ouste ! » et l’homme est devenuun chien ! »
Contes de Madagascar
Charles RENEL