Conte: L’enfant et le Fosa -Charles RENEL

Publié le par Alain GYRE

L’enfant et le Fosa

 

Fabliau Bara

Recueilli à Ankazoabo (province de Tuléar).

 

Ramaroanaka partit un jour pour pêcher des peopeo (i) et elle recommanda bien à ses enfants de rester à la maison et de ne pas la suivre.

Cependant, quelque temps après son départ, un des enfants sortit pour la rejoindre.

En route, croyant que sa mère était tout près, il criait : « Ô maman ! Ô maman ! »

Et sa voix tremblait de peur.

« Ah ! Ah ! » fit une autre voix qui lui répondait d’assez loin.

L’enfant fut un peu rassuré, quand il l’entendit.

« C’est bien maman, se dit-il, je vais vite courir jusqu’à elle, je l’entends par là. »

Et il se mit à courir en continuant d’appeler : l’autre voix ne cessait pas de répondre et semblait se rapprocher un peu.

A force d’avancer, l’enfant arriva dans une partie très touffue de la forêt ; et tout à coup il se trouva en présence d’un gros fosa trapu aux yeux rouges ; effrayé à l’aspect de cette vilaine bête, l’enfant appela sa mère avec angoisse : « Ô maman ! Ô maman ! »

 - « Ah ! Ah ! » répondit le fosa.

En même temps, il saisit l’enfant et l’emporta sur son dos : on aurait dit un vazaha sur le dos de son mulet.

Chaque fois qu’il appelait sa maman, le fosa lui répondait : « Oh ! » ; et l’enfant qui était tout petit, ne se doutait pas que c’était le fosa, et croyait que c’était sa mère.

Enfin l’animal arriva dans la caverne qu’il habitait, il enfouit à moitié l’enfant dans le sable, pendant qu’il allait à la recherche de nourriture pour engraisser sa victime, qu’il avait l’intention de manger plus tard ; il rapporta du miel, des fruits, du poisson et toutes les choses que mangent les hommes.

Il partait ainsi le matin et revenait le soir.

A la longue, Ikotokely s’habitua au fosa et celui-ci ne l’enfouissait plus dans le sable quand il partait le matin.

L’enfant s’amusait aux environs de la caverne.

Au-dessus et tout à côté, il y avait un grand rocher au sommet duquel Ikotokely allait souvent jouer. De ce rocher on pouvait voir le village où l’enfant était né, et le petit prisonnier, qui, regrettant ses frères et ses parents, chantait cette chanson :

« Là-bas est notre village,

« Village où il y a beaucoup de gens,

« Et beaucoup d’enfants.

« Mes frères gardent les bœufs ;

« Mes sœurs gardent les volailles ;

« Mon père trait les vaches ;

« Ma mère fait cuire le riz ;

« Là-bas est notre village,

« Village où il y a beaucoup de gens. »

Malin et soir, l’enfant chantait sa chanson, et les larmes coulaient de ses yeux, tant il était triste.

Un jour enfin il réussit à se sauver et parvint jusqu’à son village. Ses parents furent bien heureux de le revoir, car ils le croyaient mort.

Enfants, faites bien attention, et que l’aventure d’ikotokely vous serve de leçon !

Le méchant fosa l’avait engraissé pour le manger ; heureusement il était dans sa destinée de vivre encore et il put s’échapper sain et sauf.

 

  1. Grosse espèce d’écrevisse

Contes de Madagascar

Charles RENEL (1866 – 1925)

Librairie Ernest LEROUX

PARIS

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