Légende: L’histoire du rite de la possession

Publié le par Alain GYRE

 

L’histoire du rite de la possession

(légende)

 

Le rite de la possession, selon les récits de ceux du temps jadis, on ne le trouvait pas partout : on dit qu’il est venu du pays sakalava, de la région d’Analalava. C’est de là, à ce qu’on dit, qu’est venu le rite de la possession, et c’est de là qu’est venue la géomancie…, la géomancie, elle, est venue du pays des Antemoro.

Alors, aux temps des premiers jours - c’est-à-dire, pas tout à fait des premiers jours, mais un peu après - il y avait deux époux. Ces deux époux eurent des enfants, au nombre de neuf. Et sur ces neuf, quatre étaient des garçons, et les cinq filles étaient les aînées, elles se suivaient toutes, et après elles venaient les quatre garçons, se suivant tous quatre. Ainsi, le dernier était un garçon, le Dernier-Né des neuf. C’était lui, le neuvième. 

            Et il dit à ses parents :

- S’il y a vraiment…, s’il y a vraiment un Dieu, dit-il, là-haut dans le ciel, ou s’il y a Dieu à quelque endroit que ce soit, je le prierai, et je demanderai la bénédiction de mes pères et mère, pour que je meure. Et une fois que je serai mort, je reconnaîtrai si c’est bon, ou si c’est mauvais, ce qu’on appelle : la mort. Et à peine serai-je arrivé là-bas, dans la semaine qui suivra ma mort, je reviendrai ici, chez  les vivants, pour leur raconter si la mort est bonne, ou si elle est mauvaise.

            Alors, à ce qu’on dit, au bout de quelque temps, un beau jour, un jour où on ne s’y attendait pas, puisqu’aussi bien on dit qu’une chose qu’on demande dans ses prières finit toujours par vous arriver…, ainsi la mort advint au jeune homme.

            Donc, le jeune homme mourut, et il fut enterré dans le tombeau ancestral. Une semaine se passe, il ne se relève pas ! Un mois se passe, il ne se relève pas ! Finalement,il et devenu un spectre, un fantôme, qui apparaissait aux gens, il apparaissait à sa sœur, à sespère et mère. Hélas, ils étaient bien embarrassés.

            Il s’est adressé alors aux morts comme lui, là-bas :

- Que dois-je faire, ô mes grands-pères ? J’ai annoncé à mon père et à ma mère que quand je serai mort, une semaine après ma mort, je reviendrais chez eux, pour les rencontrer et leur raconter si la mort est bonne, ou si elle est mauvaise. Mais, après cela, je découvre que jamais un mort ne peut se relever. Quand on est mort on est mort.

            Alors, les morts comme lui, ses aïeux qui étaient là-bas, lui ont offert leurs conseils :

- Si c’est cela que tu veux, eh bien sache que nous, qui sommes arrivés ici, nous ne devons pas eller troubler ceux qui sont là-bas. Pourtant, voici le conseil que je peux te donner : va là-bas, chez eux, et rends malade la Première-Née, votre aînée. Rends-la malade, votre aînée, et une fois malade laisse-la comme ça, ne la tue pas, non, rends-la seulement malade, mais tous les jours, fais en sorte qu’elle ne guérisse jamais.

            Alors, « si on donne une corne à un fou, il va partir aussitôt », à cequ’on dit. Aussitôt, le jeune homme est parti, pour faire le fantôme.

            Dès que sa sœur aînée l’a vu en fantôme, elle est tombée évanouie. Comme elle était évanouie, on l’a soulevée, on l’a portée dans la maison, et aussitôt commence la maladie. Elle était malade, mais malade ! et puis, vous savez, autrefois, il n’y avait pas de médicaments, quelle que soit la maladie, on ne savait trop quoi y faire.

            Longtemps, bien longtemps après, à ce qu’on dit, un Antemoro est passé par là. Et, au moment où cet Antemoro passait, justement les père et mère de la malade étaient tout affairés, ne sachant plus que faire. La malade déjà exhalait une mauvaise odeur… Alors l’Antemoro a dit :

- Pourquoi êtes-vous réunis comme ça ?

            Les père et mère de la malade répondent :

- Eh bien, notre fille est malade, et nous ne savons plus quoi faire pour la soigner. Nous avons tout essayé, mais non ! La maladie est si grave…

            L’Antemoro leur dit :

- Peut-on examiner votre fille ?

- Oh, oui, s’il te plaît, dirent les parents, s’il y a quelque chose que tu puisses découvrir, nous t’en supplions, étudie la maladie de notre fille !

            Ayant entendu cela, l’Antemoro entre dans la maison, et examine la malade. Il l’examine longtemps, et puis il déclare :

- Si nous trouvions le moy, fais cela, et nous acceptons de te donner tout ce que tu désires, en de soigner cette enfant, quelle serait votre décision ?

- Oh, tout ce qui peut lui faire du bien, fais-le, disent les parents !

- S’il en est ainsi, nous allons voir ce qui la rend malade, répond le devin.

            Et, avant tout, cet Antemoro était un homme venu de très loin.

            Donc, il a étalé au milieu de la maison ses graines géomantiques. Il a tiré les graines, et il les a disposées en tableau.

            Une fois le tableau dressé, apparaît la figure géomantique du Bœuf Voué aux esprits. Le devin  dit aux parents :

- Je vois que vous ez eu neuf enfants.

- Oui, en effet, disent les parents.

- Et l’un de vos enfants, le dernier, avait dit qu’il voulait mourir, et que quand il serait mort, il reviendrait sur terre, pour vous enseigner, à vous qui êtes toujours vivants, si la mort est bonne, ou si elle est mauvaise. Est-ce vrai, oui ou non ?

- Oui, c’est vrai, répondent les parents de la fille.

- Et c’est cela qui est cause de sa maladie. Et le remède, le voici : nous allons faire venir ici le jeune homme défunt, pour qu’il raconte tout ce qu’il a à dire.

- C’est cela, disent les parents, fais cela, et nous acceptons de te donner tout ce que tu désires, tout ce que tu pourras demander !

- Eh bien, s’il en est ainsi, dit l’Antemoro, nous allons mettre en œuvre nos connaissances. Demain soir, vous appellerez votre famille, et tenez prêtes les boissons, et tenez prêts des vêtements neuf jamais portés. Tenez tout cela prêt, leur dit-il, parce que nous allons célébrer le rite dans votre maison, quand il fera nuit.

            Alors, le lendemain soir, les parents avaient appelé les membres de la famille proche, et ils étaient venus. Après avoir pris le repas du soir, on s’est mis effectivement à appeler le jeunne homme défunt.

- Chantez, disait l’Antemoro ! Chantez les chants qu’il chantait de son vivant. Là, nous verrons ce qu’il faut faire.

            Mais avant cela, l’Antemoro avait d’abord pris de l’eau, qu’il avait mise sur des feuilles de dragonnier, et il en avait aspergé la femme malade.

            Alors, la famille s’est mise à chanter, à chanter, à chanter… Au bout d’un moment, la malade a commencé à s’agiter.

- Chantez plus fort ! Prenez un autre chant ! Prenez un autre chant ! Il arrive !

            Ils ont pris un autre chant, et ils ont continué à chanter, à chanter toujours…Au bout d’un moment la malade s’agitait de plus en plus.

- Allez-y plus fort ! Allez-y plus fort ! Ça y est, il arrive !

            Alors, comme le chant allait de plus en plus fort depuis un moment déjà, et comme les boissons, n’est-ce pas, partaient assez fort elles aussi, oh, voilà la malade qui se met dbout, qui suit le rythme, et qui danse, qui danse…

- Allez-t, allez-y, dit l’Antemoro.

            Donc, la malade a dansé, et finalement, quand elle s’est rassise, l’Antemoro l’a aspergée avec l’eau qu’il prenait dans une assiette où il avait mis de la « terre-de-fraîcheur ». puis il l’a interrogée. Une fois la malade assise, l’Antemoro l’a interrogée, et ensuite il s’est adressé aux parents du jeune homme décédé :

- Voici, leur dit-il, votre fils défunt est venu. Si je mens, dites-le, mais si mes paroles ne sont pas des mensonges, oh, vous voyez par vous-mêmes ce que vous avez à faire, et moi, je vais le faire parler.

            Et de fait, il a fait parler la femme malade, après qu’elle se soit mise debout, et rassise. Et quand elle s’est mise à parler eh bien, sa voix était toute semblable à celle du jeune homme qui était mort.

 

 

Fulgence FANONY

Le tambour de l’ogre

Littérature orale Malgache

tome 2

L’Harmattan 

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