Conte: L'origine de la mort - Raymond DECARY
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L'origine de la mort
Conte Masikoro, recueilli à Ambahikily)
Il y a bien longtemps, Dieu avait créé toutes choses dans la nature, sauf les hommes.
Il y avait une fille appelée Vava (la Terre) 0), qui s'amusait à fabriquer des bonshommes en argile. Il y en avait beaucoup, car Vava la terre en fabriquait souvent.
Un jour, Dieu vint à passer et fut intéressé par les jouets de Vava la terre.
« Attends un peu, dit-il ».
Il souffla dans le tas et les bonshommes d'argile remuèrent.
« Appelle les Velo (2), puisqu'ils sont maintenant vivants ».
Les Velo (hommes) se multiplièrent, car ils ne mouraient pas.
Bientôt Vava la terre changea de mine (3), car les hommes travaillaient et lui faisaient produire de belles récoltes.
Elle devint riche.
Un autre jour, Dieu se tenait debout sur une très haute cime de montagne dominant la terre, et fut surpris de la prospérité de Vava la terre.
Alors il fit appeler Vava la terre dans son palais. Il lui demanda de lui donner la moitié du nombre des hommes. Vava la terre répondit que tout appartient à Sa Majesté, et qu'elle daigne lui accorder la faveur de garder les Velo (hommes), car elle ne peut pas s'en séparer. Les Velo font sa richesse, dit-elle.
Dieu entra en colère et lui signifia qu'il retirerait le souffle de vie qu'il avait donné aux Velo.
Ainsi Dieu retira la vie aux hommes, et Vava la terre, très triste, pleura :
« 0 lo ! Velo ! » (4). (Les hommes pourrissent !). Elle garda les corps morts, qui étaient les jouets d'argile.
Depuis ce temps, la mort enlève la vie aux hommes.
Notes :
(1) Le manuscrit que j'ai sous les yeux est bien orthographié vava, dont le sens, très général dans Madagascar, est celui de bouche, d'ouverture. Mais cette graphie est à rapprocher de vavy signifiant femelle, femme. Il est à noter, d'après la suite du texte, que ce sont des hommes qui furent créés par le souffle divin.
(2) Velo, en dialecte côtier, signifie vivant ; la langue merina dit velona.
(3) D'aspect.
(4) Lo signifie pourri, décomposé. La localité de Beloha, chez les Antandroy, nom qui signifie «grosse tête » et n'a en réalité aucun sens, était autrefois dénommée Belo, c'est-à-dire « beaucoup de pourris ». Voici l'origine de ce nom. Aux temps anciens, comme d'ailleurs aujourd'hui encore, le village possédait une grosse importance par suite de la présence de puits dans cette contrée déshéritée. Aux alentours, de nombreux combats se livraient pour leur possession ; les cadavres des victimes étaient abandonnés et pourrissaient sur le terrain, d'où l'appellation de la localité. Une autre localité, au bord de la Tsiribihina, porte la dénomination non déformée de Belo.
Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar
Raymond DECARY