Conte: L'origine du riz - Raymond DECARY

L'origine du riz

Conte Bara, recueilli à Ankazoabo

Une femme, dit-on, avait mis au monde un garçon qu'on appela Lahy (1).

Un jour qu'elle était à la rivière, elle laissa l'enfant s'amuser au bord de la rivière.

L'enfant vit un insecte et demanda à sa mère :

« Quel est cet oiseau (l'insecte) qui vole haut et qui a des excréments comme ceux des boeufs ?

- C'est une sauterelle, peut-être.

- Attrape-la pour moi. »

Sa mère l'attrapa et la lui donna à jouer.

Quand la mère avait fini son travail et s'apprêta à rentrer, l'enfant pleura :

« Qu'as-tu, mon enfant ?

- J'ai perdu mon jouet (kiomby) (2). »

La mère ne put retrouver la sauterelle.

L'enfant était tellement triste qu'il en tomba malade et mourut.

La maman était si affligée que ses sanglots parvinrent jusqu'à Dieu.

Celui-ci fut touché et ordonna qu'on enterrât l'enfant dans un marais profond. On le fit.

Un mois après, une plante poussa à l'endroit où était enseveli l'enfant.

La plante grandit, porta des graines. Les graines mûrirent.

Les fody (3) venaient en manger.

Dieu ordonna à la mère :

« Récoltez ce riz, vary, pilez le, faites cuire et mangez, car c'est Lahy qui devient riz vary ».

On appelle ce riz varilahy, nom qu'il porte jusqu'à présent (4).

Je ne mens pas, mais ce sont les anciens (5).

Notes

(1) Lahy signifie mâle, homme.

(2) Le préfixe ki, suivi généralement d'un duplicatif, forme un diminutif et signifie l'objet en petit, en miniature (trano, maison ; kitranotrano, maisonnette). Ici, kiomby, qui devrait normalement être kiombiomby signifie le petit bœuf. Au début du conte, l'enfant avait en effet comparé la sauterelle à une sorte de petit bœuf.

(3) Les fody ou tisserands correspondent à plusieurs espèces de Plocéidés, dont le plus commun est le Ploceus madagascariensis. Les mâles en plumage de noces ont la tête et la face inférieure du corps d'un rouge vif. Ces oiseaux vivent en troupes nombreuses et sont des ravageurs de rizières, contre lesquels les cultivateurs luttent au moyen de réseaux de cordelettes tendus en tous sens au-dessus des rizières et agitées de temps à autre par un gardien, qui dispose aussi d'une provision de pierres qu'il lance à la main ou avec une fronde.

(4) Une certaine variété de riz porte le nom de Vary lahy ; c'est une espèce à petits grains, entrant dans la catégorie des riz barbus.

(5) Voir un autre conte sur l'origine du riz, recueilli chez les Betsimisaraka, in : Renel. Contes de Madagascar, T. III, p. 13.

Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar

Raymond DECARY